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Sujet: Une prière de Fra Angelico Ven 10 Juin 2011 - 7:42
Fra Angelico, grand peintre italien du XVe siècle, entra dans les Ordres comme le faisaient souvent les artistes de cette époque et fut prieur au couvent Saint-Dominique à Fiésole. D'où, sans doute, la profondeur de ses propos.
Fra Angelico a écrit:
Il n'y a rien de ce que je pourrais vous offrir que vous ne possédiez déjà, mais il y a beaucoup de choses que je ne puis donner et que vous pouvez prendre.
Le ciel ne peut descendre jusqu'à nous, à moins que notre cœur n'y trouve aujourd'hui même son repos. Prenez le ciel.
Il n'existe pas de paix dans l'avenir qui ne soit cachée dans ce court moment présent, prenez la paix.
L'obscurité du monde n'est qu'une ombre, derrière elle, et cependant à notre portée, se trouve la joie. Il y a dans cette obscurité une splendeur et une joie ineffables si nous pouvions seulement les voir.
Et pour voir, vous n'avez qu'à regarder, je vous prie donc de regarder.
La vie est généreuse donatrice, mais nous, qui jugeons ses dons d'après l'apparence extérieure, nous les rejetons, les trouvant laids ou pesants, ou durs. Enlevons cette enveloppe et nous trouverons au-dessous d'elle une vivante splendeur, tissée d'amour par la sagesse, avec d'abondants pouvoirs. Accueillez-la et vous toucherez la main de l'ange qui vous l'apporte.
Dans chaque chose que nous appelons une épreuve, un chagrin, ou un devoir, se trouve, croyez-moi, la main de l'ange ; le don est là, ainsi que la merveille d'une présence sans ombre.
De même pour nos joies : ne vous en contentez pas en tant que joies, elles aussi cachent des dons divins.
La vie est tellement emplie de sens et de propos, tellement pleine de beautés au-dessous de son enveloppe, que vous vous apercevrez que la terre ne fait que recouvrir le ciel. Courage donc pour le réclamer. C'est tout. Mais vous savez que nous sommes ensemble des pèlerins qui, à travers des pays inconnus, se dirigent vers leurs patrie.
Ainsi, en ce jour de Noël, je vous salue, non pas exactement à la manière dont le monde envoie ses salutations, mais avec la prière : que pour vous, maintenant et à jamais, le jour se lève et les ombres s'enfuient.
Je n'ai qu'un mot à dire : Lumineux. Tout autre commentaire serait superflu. Cette prière intemporelle est magnifique. A méditer assurément.
Dernière édition par Sir Archibald Waters le Mer 21 Déc 2011 - 10:02, édité 1 fois
Marquise des Loups Othelliste
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Sujet: Octave Mirbeau Mer 3 Aoû 2011 - 14:11
Octave Mirbeau
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Citation :
Octave Mirbeau, né le 16 février 1848 à Trévières (Calvados) et mort le 16 février 1917 à Paris, est un écrivain, critique d'art et journaliste français. Octave Mirbeau a connu une célébrité européenne et de grands succès populaires, tout en étant également apprécié et reconnu par les avant-gardes littéraires et artistiques, ce qui n'est pas commun.
Plus de détails ICI sur Wiképédia
Activité(s) Écrivain, journaliste Naissance 1848 Trévières Décès 1917 Paris Langue d'écriture français Mouvement(s) impressionnisme, expressionnisme Genre(s) roman, théâtre, critique d'art
Contes de la chaumière 1894, illustrés par Jean-François Raffaëlli, 1894
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============================================= Le Calvaire novembre 1886; roman à immense succès scandaleux O)
Le Calvaire, illustré par Georges Jeanniot (1901)
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Publications Posthumes
La Pipe de cidre, Flammarion, 1919
Un homme sensible, 1919, et Le petit gardeur de vaches, 1922
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Publié après le décès d'Octave Mirbeau en 1917
Textes photos et citations accolés ci-dessus pour fin d'éducation littéraie uniquement.
Dernière édition par Marquise des Loups le Mar 9 Aoû 2011 - 21:53, édité 1 fois
Marquise des Loups Othelliste
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Sujet: Algernon Charles Swinburne Mar 9 Aoû 2011 - 21:08
Cet écrivain fut un adepte incontesté de l'île de Wight tout au long de son enfance; ses grands-parents possédaient une résidence.
Plus tard c'est en 1868 qu'il s'enticha d'une maison en location à Étretat en Normandie...
Algernon Charles Swinburne • Poèmes et Ballades
Citation :
Algernon Charles Swinburne (1837-1909) publia en 1866 le premier volume des Poèmes et Ballades, qui firent scandale pour leurs thèmes (morbidité, lesbianisme, irréligiosité). Proche de l’utopiste William Morris, du peintre et poète Dante Rossetti, du peintre Edward Burne-Jones, Swinburne contribua à l’époque préraphaëlite par son lyrisme et son érudition, son interrogation des mythes chrétiens et païens, son médiévisme décadent et son génie prosodique, qui en firent un des plus grands poètes anglais.
Le traducteur Gabriel Mourey fut l’introducteur en France de ce mouvement esthétique. Guy de Maupassant qui signe la Préface de la première édition en France avait visité Swinburne lors d’un séjour de celui-ci à Étretat. Le tableau en couverture du livre, Laus Veneris (1873-1875), porte le titre d’un des plus célèbres poèmes du présent recueil, et est dû à son dédicataire, Burne-Jones, qui peignit plusieurs œuvres en étroites relations avec les poèmes de Swinburne.
En 1985, Ressouvenances avait publié, sous le titre Ballade de vie et Ballade de mort, un choix extrait de ce recueil et la présente réédition intégrale remplace cette ancienne référence épuisée.
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Citation :
"Il est fort difficile de parler au public français d'un poète anglais comme M. Swinburne quand on ne sait pas sa langue, et c'est mon cas "
Telle est l'introduction que je puis emprunter à Guy de Maupassant qui préfaça les poésies de Swinburne traduites en français par Gabriel Mouray.
Aristocrate londonien, étudiant à Etton et à Oxford, Swinburne chante dans ses vers la mort, la mer, la douleur, le sadisme, le paganisme, l'hellénisme, la liberté sensuelle et sexuelle. Alors que "Les Fleurs du Mal" tant admirées par Swinburne furent censurées en 1857, l'éditeur du poète anglais retira en 1866 le recueil " Poems and Ballades " car les critiques britanniques accusaient l'auteur de fonder une école de la poésie sensuelle.
Ce scandale littéraire le rendit célèbre. Lyrique (Atalante en Calydon, 1866), romantique, épique, dramatique (Marie Stuart, 1880 - Les Sœurs 1892), politique (Ode sur la proclamation de la République française, 1870 - Chants d'avant l'aube, 1871) l'œuvre de Swinburne est riche et variée. Excellent critique littéraire, il défendit dans des études William Black (1861), Victor Hugo (1866) et salua Baudelaire dans son poème Ave Atque Vale (1868). Son écriture où le Mal s'allie à la liberté d'esprit et du corps l'apparente parfois à Sade ou à Lautréamont. Swinburne qualifiera ses " Poèmes et Ballades " de " péchés de jeunesse ". De fait, rebelle à son milieu familial, Swinburne revendiqua dans sa vie et dans son œuvre son penchant pour "l'amour grec" et des idées politiques républicaines.
Il fut admirée par Renée Vivien, "descendante directe" de Sappho. Dans son étude Renée Vivien Femme Damnée, Femme sauvée, Yves-Gérard Le Dantec analyse les influences de Baudelaire, de Verlaine et de Pierre Louÿs et conclut : " Le seul poëte masculin qui ait pu agir par des évocations saphiques sur le génie de Renée Vivien est donc son compatriote Algernon Charles Swinburne. Lui aussi traduisit, adapta des fragments de Sapho ; lui surtout composa cette admirable Anactoria, qui dut produire une forte impression sur la cervelle de la jeune Anglaise : " And they shall know me as ye who have known me here, Last year when I loved Atthis, and this year When I love thee..."
Le roman inachevé de Swinburne Lesbia Brandon (traduction L. Tranec, 1956) " jette quelque lumière sur son drame personnel, son isolement d'homme marqué par la surdité, l'éthylisme, la sexualité anormale et sadique " commente J.-G. Ritz dans l'Encyclopédie Universalis. Les vingt volumes de Complete Works (1925-1927) ne sont pas traduits à ce jour en français. Gabriel Mourey donna la traduction en 1891 chez A. Savine du recueil " Poèmes et Ballades ". Seul un choix de poésies fut réédité en 1985 chez les éditions Ressouvenances ou chez José Corti. L'anthologie " Homosexual verse " éditée par Stephen Coote (Penguin books, 1983) présente le poème Faustine de Swinburne. La page suivante présente les six poèmes swinburniens traduits par Gabriel Mourey et entoilés sur saphisme.com.
"La mort de Sapho" par G. Moreau
Sappho est surtout un personnage enfermé dans une " légende élevée à la hauteur d'un mythe et d'une allégorie religieuse " . Son amour désespéré pour le navigateur Phaon l'aurait conduite à se suicider par noyade dans la mer en sautant du rocher de Leucade. Les aquarelles de Gustave Moreau (1826-1898) illustrent "la mort de Sapho à Leucade". Sappho est enfermée dans ce triptyque mythique : un amour non partagé, un amour hétérosexuel, un suicide par noyade dénommé : " le saut de Leucade ". L'ensemble des œuvres antiques ou modernes : poésies, théâtres, romans qui s'inspirent de Sappho s'approprie cette légende d'une femme désespérément amoureuse d'un homme et la rend prisonnière de la norme sexuelle qui ne semble pas correspondre à la lecture de son œuvre en lambeaux. Ainsi par un acte fatal balançant entre lâcheté et courage, entre raison et folie, le personnage de Sapho renforce son aura et l'héroïne est une représentante mythique de la tragédie et du mystère de l'amour et de la condition humaine.
Dernière édition par Marquise des Loups le Mar 9 Aoû 2011 - 21:11, édité 1 fois
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Sujet: Sapho Mar 9 Aoû 2011 - 21:13
Sapho
La mort de Shapho par Gustave Moreau, peintre symboliste (1826-1898)
Sapho poétesse à la lyre d'ivoire se suicide au Mont-Leucade; des amours turbulentes et chagrinées l'ont menée au pire...
Citation :
"En 1883, Gustave Moreau est lui-même chargé par Auguste-Emmanuel Vaucorbeil, directeur de l'opéra national de Paris au Palais Garnier, de 1879 à 1884, de réaliser des costumes pour Sapho, opéra de son ami Charles Gounod. Le projet de Moreau ne fut finalement pas retenu, mais ses aquarelles furent vendues au profit de la veuve de Vaucorbeil, décédé en 1884."
Encore un larcin, une idée dérobée au vaste poème, que j'ai été feuilleter en hâte en vous quittant l'autre vendredi chez Lecadre.
J'ai entrevu, plus, que je n'ai vu, un corps harmonieux brisé sur un écueil, des falaises épiques dans un claire de lune de rêve, toute une Hélas héroïque et légendaire, que j'ai devinée ou plutôt que j'ai faite de nacre argentée et de givre à travers les gris et les noirs de la photographie, et les rimes ont chanté tout à coup dans ma mémoire, cette Sapho a éveillé un souvenir… et je me suis rappelé, moi aussi, une femme morte dans un paysage épique et lunaire.
C'est ce souvenir, enfermé dans quatorze vers, que je viens vous prier d'accepter, c'est-à-dire que je viens encore vous imposer, comme s'impose un écho.
Voudrez-vous me pardonner, cher maître, d'avoir essayé de tirer un reflet de la lumière et voudrez-vous accueillir cette Sapho en gage des profondes résonnances, qu'éveille en mon âme la peinture qui m'impressionne le plus au monde.
Votre Jean Lorrain Fécamp, 28 juillet 1884
Source: In Jean Lorrain Gustave Moreau Correspondance et Poèmes, Edition présentée et annotée par Thalie Rappetti, RMN, 1998, pages 38-39.
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Poème de Jean Lorrain
SAPHO MORTE (Seconde version publiée dans l'Echo de Paris)
La Divine était morte : entre les vagues noires De ses longs cheveux d'ombre étendue et les yeux Clos à jamais, Sapho, cadavre harmonieux, Gisait sous la falaise au pied des promontoires.
Dans des clartés de givre et des frissons de moire Montait la calme lune et ses rais lumineux Trempaient l'eau transparente, où la fille des dieux Dormait les bras croisés sur sa lyre d'ivoire.
Au loin, au pied des rocs, pareils à des phalènes, Des goélands neigeux, qu'argentait un rayon, Se croisaient, puis fuyaient, comme un flot d'ombres vaines
Attirés vers la Morte où, pâle vision, Un grand oiseau de mer, ouvrant deux ailes blêmes, Planait, spectre ébloui de ces vivants poèmes.
Dernière édition par Marquise des Loups le Jeu 15 Sep 2011 - 17:24, édité 1 fois
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Sujet: Louise Colet Mer 17 Aoû 2011 - 21:43
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Louise Colet
Louise Colet (1810-1876)
"De mes rêves d'amour, de mes vœux superflus, je désire toujours mais je n'espère plus !" Citation Louise Colet ; Sonnet, Fleurs du Midi - 1834.
Citation :
Née à Aix-en-Provence, Louise Révoil épouse en 1835 le flûtiste Hippolyte Colet, professeur au Conservatoire de Paris.
Ambitieuse, politiquement libérale, elle ouvre un salon où se retrouvent les acteurs du monde littéraire, dont certains deviendront ses amants (Victor Cousin, Alfred De Musset, Alfred de Vigny)
Elle publie poèmes, nouvelles, romans, et quelques ouvrages autobiographiques où elle raconte, à sa façon, sa longue et orageuse liaison avec Flaubert.
Entrecoupée de plusieurs ruptures, celle-ci dure de 1846 à 1855, période pendant laquelle Flaubert lui écrit des centaines de lettres magnifiques, à la fois pour la conseiller dans son oeuvre (un poème est parfois décortiqué ligne à ligne), lui parler longuement de la sienne en gestation (surtout Madame Bovary), lui expliquer ses théories sur la littérature, et se défendre contre de continuelles récriminations.
Un peu oubliée, elle meurt en 1876.
Source: Bibliothèque électronique de Lisieux
Citation :
"Connue essentiellement aujourd'hui par sa liaison orageuse et intermittente avec Flaubert (1846-1855). Au long de l'abondante correspondance que ce dernier lui adressa, on voit s'élaborer et s'affermir les principes majeurs de son esthétique et de sa doctrine littéraire, en même temps qu'on assiste à la gestation de Madame Bovary.
Le personnage passionné que fut Louise Colet a souvent été victime de la misogynie de la critique littéraire. On a fait de cette femme auteur, qui eut des liaisons ou des flirts avec nombre de célébrités de l'époque (notamment Cousin, Musset, Vigny, Hugo), le prototype du bas-bleu arriviste à la plume incontinente, un des modèles d'Emma Bovary, une caricature de George Sand. Certes, ses ouvrages sont médiocres : essais historiques, poèmes laborieusement académiques fabriqués avec l'aide de Flaubert et de Bouilhet, romans autobiographiques, indiscrets et perfides, comme Une histoire de soldat (1856) ou Lui (1860), mettant en scène Flaubert et Musset. "
Source: Encyclopédie Universalis; auteur de l'article: Claude Burgelin; (professeur de littérature française à l'université de Lyon-II-Louis-Lumière).
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"Qui n'a pas un amour sans limites, n'aime point." Citation Louise Colet ; Lui - 1859.
Marquise des Loups Othelliste
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Sujet: André Chénier Jeu 29 Sep 2011 - 22:31
André Chénier
Portrait peint lors de son emprisonnement par Joseph-Benoît Suvée.
Portrait de Charlotte Corday, pastel réalisé dans sa cellule quelques heures avant son exécution par Hauer.
André Chénier est l’auteur de ce poème, en l’honneur de Charlotte Corday
ODE À MARIE-ANNE-CHARLOTTE CORDAY
Quoi ! tandis que partout, ou sincères ou feintes, Des lâches, des pervers, les larmes et les plaintes Consacrent leur Marat parmi les immortels ; Et que, prêtre orgueilleux de cette idole vile, Des fanges du Parnasse, un impudent reptile Vomit un hymne infâme au pied de ses autels;
La Vérité se tait ! Dans sa bouche glacée, Des liens de la peur sa langue embarrassée Dérobe un juste hommage aux exploits glorieux ! Vivre est-il donc si doux ? De quel prix est la vie, Quand sous un joug honteux la pensée asservie, Tremblante, au fond du cœur se cache à tous les yeux ?
Non, non, je ne veux point t’honorer en silence, Toi qui crus par ta mort ressusciter la France, Et dévouas tes jours à punir des forfaits. Le glaive arma ton bras, fille grande et sublime, Pour faire honte aux Dieux, pour réparer leur crime, Quand d’un homme à ce monstre ils donnèrent les traits.
Le noir serpent sorti de sa caverne impure, A donc vu rompre enfin sous ta main ferme et sûre Le venimeux tissu de ses jours abhorrés ! Aux entrailles du tigre, à ses dents homicides, Tu vins redemander et les membres livides, Et le sang des humains qu’il avait dévorés !
Son œil mourant t’a vue, en ta superbe joie, Féliciter ton bras, et contempler ta proie. Ton regard lui disait : « Va, tyran furieux, Va, cours frayer la route aux tyrans tes complices. Te baigner dans le sang fut tes seules délices; Baigne-toi dans le tien et reconnais tes Dieux. »
La Grèce, ô fille illustre, admirant ton courage, Épuiserait Paros, pour placer ton image Auprès d’Harmodios, auprès de son ami ; Et des chœurs sur ta tombe, en une sainte ivresse, Chanteraient Némésis, la tardive Déesse, Qui frappe le méchant sur son trône endormi.
Mais la France à la hache abandonne ta tête, C’est au monstre égorgé qu’on prépare une fête, Parmi ses compagnons, tous dignes de son sort. Oh ! quel noble dédain fit sourire ta bouche, Quand un brigand, vengeur de ce brigand farouche, Crut te faire pâlir aux menaces de mort !
C’est lui qui dut pâlir ; et tes juges sinistres, Et notre affreux sénat, et ses affreux ministres, Quand, à leur tribunal, sans crainte et sans appui, Ta douceur, ton langage et simple et magnanime, Leur apprit qu’en effet, tout puissant qu’est le crime, Qui renonce à la vie est plus puissant que lui.
Longtemps, sous les dehors d’une allégresse aimable, Dans ses détours profonds ton âme impénétrable Avait tenu cachés les destins du pervers. Ainsi, dans le secret amassant la tempête, Rit un beau ciel d’azur, qui cependant s’apprête À foudroyer les monts, et soulever les mers.
Belle, jeune, brillante, aux bourreaux amenée, Tu semblais t’avancer sur le char d’hyménée, Ton front resta paisible, et ton regard serein. Calme sur l’échafaud, tu méprisas la rage D’un peuple abject, servile, et fécond en outrage, Et qui se croit alors et libre et souverain.
La vertu seule est libre. Honneur de notre histoire, Notre immortel opprobre y vit avec ta gloire, Seule tu fus un homme, et vengeas les humains. Et nous, eunuques vils, troupeau lâche et sans âme, Nous savons répéter quelques plaintes de femme, Mais le fer pèserait à nos débiles mains.
Non ; tu ne pensais pas qu’aux mânes de la France Un seul traître immolé suffit à sa vengeance, Ou tirât du chaos ses débris dispersés. Tu voulais, enflammant les courages timides, Réveiller les poignards sur tous ces parricides, De rapine, de sang, d’infamie engraissés.
Un scélérat de moins rampe dans cette fange. La vertu t’applaudit. De sa mâle louange Entends, belle héroïne, entends l’auguste voix. Ô vertu, le poignard, seul espoir de la terre, Est ton arme sacrée, alors que le tonnerre Laisse régner le crime, et te vend à ses lois !
André Chénier fut lui aussi guillotiné, le 7 thermidor an II (25 juillet 1794).
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Sujet: Anna Brancovan Sam 1 Oct 2011 - 0:04
TOUTES les femmes aiment la politique et s’en occupent, sans parfois le savoir, car le propre des femmes est de ne pas se connaître elles-mêmes. Quand on les voit parler, agir, il faut admirer que leurs naïfs visages, où l’effort ne s’est pas attardé, soient le lieu du verbe abondant, empreint d’aisance alerte et d’obstinée certitude. La pensée glisse dans leurs yeux avec la légèreté à peine incisive du patin d’argent sur la glace, la parole s’envole de leur bouche avec la vive franchise de l’abeille s’évadant du calice.
De là l’extrême surprise de nos soeurs et leur confusion offensée sitôt qu’on les arrête dans leur course verbale, en les priant de bien vouloir réfléchir. Ce n’est point leur affaire. Réellement, leurs pensées viennent du coeur, s’en élancent, s’en évaporent. Les raisons qu’elles donnent jaillissent de ce foyer de la vie où veillent les divinités familiales, domestiques, amoureuses. Les opinions qu’elles émettent ont, en transparence, un visage aimé et dominateur, des intérêts secrets, une inquiétude affective. Aussi est-il cruel et injuste de les inciter à la réflexion ; une femme qui réfléchit fait peine à voir, c’est soudain une enfant blessée, et le chagrin qu’elle nous cause dans le moment où nous la voyons privée des armes naturelles que lui fournit le sentiment, doit s’aggraver de cette conviction qu’il est inutile qu’elle réfléchisse.
Quels que soient les arguments que nous déposons devant elle, clairs, exacts, colorés, séduisants comme des cartes à jouer, et le silence méditatif à quoi nous l’obligeons, elle pensera encore ce qu’elle pensait déjà. La femme est immobile.
Ce qu’elle défend instinctivement en se mêlant de la marche minutieuse ou vaste des mondes, ce sont les images qui ornent sa vie, c’est sa chambre heureuse, la salle nette et riante où jouent ses enfants, le jardin où elle rêve, le salon où elle triomphe, l’église, peut-être, où elle se rassure et s’enorgueillit. Les femmes sont, en général, attachées aux usages, satisfaites du présent étroit et confortable, dédaigneuses de l’avenir. On peut affirmer qu’un esprit féminin ardemment intéressé par le futur et qui donne son assentiment à l’inévitable modification des moeurs possède une part de l’élan créateur et de la sagesse des hommes.
Savoir constater le nécessaire, y être lié par l’instinct autant que par la raison, témoigne de ce don rapide, voyageur, courageux, naturel à l’homme plus qu’à la femme, déesse épanouie, à qui l’effort et la course ne sont point commandés pour conquérir, mais qui séduit par la seule promenade nonchalante de son regard et par ses mouvements aussi variés que le balancement des palmes.
L’extrême rareté de la femme qui réfléchit et dont les conclusions restent saines, harmonieuses, adaptées à la vie, nous mettent en défiance aussi contre ce féminisme emporté, optimiste, enthousiaste et comme joyeux, auquel on voudrait nous convertir. Et d’abord, la femme ne veut pas être triste, elle n’admet guère dans ses projets, dans ses perspectives de réussite, les déceptions, les résignations qui sont en conformité avec la nature humaine et le destin. Quand nous la voyons attachée à la tradition, elle nous veut convaincre que les sachets où dorment, d’un sommeil poétique, les roses fanées, sont un jardin tout neuf où se compose un miel toujours nourrissant. Mais on ne peut nous tromper sur la cendre des fleurs, elle est poussière romanesque, et ne prête son parfum suranné qu’aux poètes du crépuscule.
Si, au contraire, nous assistons aux déclarations des femmes qui n’ont foi qu’en elles-mêmes, qui ne parlent de l’homme que malicieusement, qui, intrépides amazones, s’offrent pour tous les combats de la pensée, pour tous les travaux, tous les risques, toutes les responsabilités, nous ne pouvons nous empêcher de nous tourner avec gratitude et confiance vers ces hommes dédaignés, qui portent avec aisance et modestie le génie des nombres, l’endurance de l’explorateur, l’imagination du savant, l’habileté du négociateur, - et encore ce bon regard instruit, ces bonnes mains expertes du maçon, de l’électricien, du plombier !
- Ah ! - me dira-t-on, - Madame de Noailles, vous n’êtes pas féministe ?
Et je répondrai qu’un poète n’est pas obligé de l’être tout à fait, il sait comment frémit en lui le coeur d’Apollon. Mais je puis rassurer ici les femmes qui me reprocheraient de limiter leur empire, - elles peuvent tout puisque l’homme existe. Par lui, qui prédomine, elles sauront occuper le rang souhaité, si tentant, si difficile, si haut soit-il, car tout homme, et davantage encore tout grand homme, est envahi par une femme…
Extrait de Passions et vanités par la Comtesse de Noailles, Mai 1913
«Je tiendrai dans une coquille de noix ; je m'y croirais au large et le roi d'un empire sans limites... si je n'avais pas de mauvais rêves.» (William Shakespeare - Extrait d’ Hamlet).
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Sujet: Alfred de Musset Dim 2 Oct 2011 - 13:50
Alfred de Musset
Idylle
ALBERT
A quoi passer la nuit quand on soupe en carême ? Ainsi, le verre en main, raisonnaient deux amis. Quels entretiens choisir, honnêtes et permis, Mais gais, tels qu'un vieux vin les conseille et les aime ?
RODOLPHE
Parlons de nos amours ; la joie et la beauté Sont mes dieux les plus chers, après la liberté. Ébauchons, en trinquant, une joyeuse idylle. Par les bois et les prés, les bergers de Virgile Fêtaient la poésie à toute heure, en tout lieu ; Ainsi chante au soleil la cigale-dorée. D'une voix plus modeste, au hasard inspirée, Nous, comme le grillon, chantons au coin du feu.
ALBERT
Faisons ce qui te plaît. Parfois, en cette vie, Une chanson nous berce et nous aide à souffrir, Et, si nous offensons l'antique poésie, Son ombre même est douce à qui la sait chérir.
RODOLPHE
Rosalie est le nom de la brune fillette Dont l'inconstant hasard m'a fait maître et seigneur. Son nom fait mon délice, et, quand je le répète, Je le sens, chaque fois, mieux gravé dans mon coeur.
ALBERT
Je ne puis sur ce ton parler de mon amie. Bien que son nom aussi soit doux à prononcer, J e ne saurais sans honte à tel point l'offenser, Et dire, en un seul mot, le secret de ma vie.
RODOLPHE
Que la fortune abonde en caprices charmants Dès nos premiers regards nous devînmes amants. C'était un mardi gras dans une mascarade ; Nous soupions ; - la Folie agita ses grelots, Et notre amour naissant sortit d'une rasade, Comme autrefois Vénus de l'écume des flots.
ALBERT
Quels mystères profonds dans l'humaine misère ! Quand, sous les marronniers, à côté de sa mère, Je la vis, à pas lents, entrer si doucement (Son front était si pur, son regard si tranquille ! ), Le ciel m'en est témoin, dès le premier moment, Je compris que l'aimer était peine inutile ; Et cependant mon coeur prit un amer plaisir À sentir qu'il aimait et qu'il allait souffrir !
RODOLPHE
Depuis qu'à mon chevet rit cette tête folle, Elle en chasse à la fois le sommeil et l'ennui ; Au bruit de nos baisers le temps joyeux s'envole, Et notre lit de fleurs n'a pas encore un pli.
ALBERT
Depuis que dans ses yeux ma peine a pris naissance, Nul ne sait le tourment dont je suis déchiré. Elle-même l'ignore, - et ma seule espérance Est qu'elle le devine un jour, quand j'en mourrai.
RODOLPHE
Quand mon enchanteresse entr'ouvre sa paupière, Sombre comme la nuit, pur comme la lumière, Sur l'émail de ses yeux brille un noir diamant.
ALBERT
Comme sur une fleur une goutte de pluie, Comme une pâle étoile au fond du firmament, Ainsi brille en tremblant le regard de ma vie.
RODOLPHE
Son front n'est pas plus grand que celui de Vénus. Par un noeud de ruban deux bandeaux retenus L'entourent mollement d'une fraîche auréole ; Et, lorsqu'au pied du lit tombent ses longs cheveux, On croirait voir, le soir, sur ses flancs amoureux, Se dérouler gaiement la mantille espagnole.
ALBERT
Ce bonheur à mes yeux n'a pas été donné De voir jamais ainsi la tête bien-aimée. Le chaste sanctuaire où siège sa pensée D'un diadème d'or est toujours couronné.
RODOLPHE
Voyez-la, le matin, qui gazouille et sautille ; Son coeur est un oiseau, - sa bouche est une fleur. C'est là qu'il faut saisir cette indolente fille, Et, sur la pourpre vive où le rire pétille, De son souffle enivrant respirer la fraîcheur.
ALBERT
Une fois seulement, j'étais le soir près d'elle ; Le sommeil lui venait et la rendait plus belle ; Elle pencha vers moi son front plein de langueur, Et, comme on voit s'ouvrir une rose endormie, Dans un faible soupir, des lèvres de ma mie, Je sentis s'exhaler le parfum de son coeur.
RODOLPHE
Je voudrais voir qu'un jour ma belle dégourdie, Au cabaret voisin de champagne étourdie, S'en vînt, en jupon court, se glisser dans tes bras. Qu'adviendrait-il alors de ta mélancolie ? Car enfin toute chose est possible ici-bas.
ALBERT
Si le profond regard de ma chère maîtresse Un instant par hasard s'arrêtait sur le tien, Qu'adviendrait-il alors de cette folle ivresse ? Aimer est quelque chose, et le reste n'est rien.
RODOLPHE
Non, l'amour qui se tait n'est qu'une rêverie. Le silence est la mort, et l'amour est la vie ; Et c'est un vieux mensonge à plaisir inventé, Que de croire au bonheur hors, de la volupté ! Je ne puis partager ni plaindre ta souffrance Le hasard est là-haut pour les audacieux ; Et celui dont la crainte a tué l'espérance Mérite son malheur et fait injure aux dieux.
ALBERT
Non, quand leur âme immense entra dans la nature, Les dieux n'ont pas tout dit à la matière impure Qui reçut dans ses flancs leur forme et leur beauté. C'est une vision que la réalité. Non, des flacons brisés, quelques vaines paroles Qu'on prononce au hasard et qu'on croit échanger, Entre deux froids baisers quelques rires frivoles, Et d'un être inconnu le contact passager, Non, ce n'est pas l'amour, ce n'est pas même un rêve, Et la satiété, qui succède au désir, Amène un tel dégoût quand le coeur se soulève, Que je ne sais, au fond, si c'est peine ou plaisir.
RODOLPHE
Est-ce peine ou plaisir, une alcôve bien close, Et le punch allumé, quand il fait mauvais temps ? Est-ce peine ou plaisir, l'incarnat de la rose, La blancheur de l'albâtre et l'odeur du printemps ? Quand la réalité ne serait qu'une image, Et le contour léger des choses d'ici-bas, Me préserve le ciel d'en savoir davantage ! Le masque est si charmant, que j'ai peur du visage, Et même en carnaval je n'y toucherais pas.
ALBERT
Une larme en dit plus que tu n'en pourrais dire.
RODOLPHE
Une larme a son prix, c'est la soeur d'un sourire. Avec deux yeux bavards parfois j'aime à jaser ; Mais le seul vrai langage au monde est un baiser.
ALBERT
Ainsi donc, à ton gré dépense ta paresse. O mon pauvre secret ! que nos chagrins sont doux !
RODOLPHE
Ainsi donc, à ton gré promène ta tristesse. O mes pauvres soupers ! comme on médit de vous !
ALBERT
Prends garde seulement que ta belle étourdie Dans quelque honnête ennui ne perde sa gaieté.
RODOLPHE
Prends garde seulement que ta rose endormie Ne trouve un papillon quelque beau soir d'été.
ALBERT
Des premiers feux du jour j'aperçois la lumière.
RODOLPHE
Laissons notre dispute et vidons notre verre. Nous aimons, c'est assez, chacun à sa façon. J'en ai connu plus d'une, et j'en sais la chanson. Le droit est au plus fort, en amour comme en guerre, Et la femme qu'on aime aura toujours raison.
de Alfred de Musset
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
"La liberté consiste à vouloir que les choses arrivent non comme il te plait mais comme elles arrivent." (Épictète, Entretiens).
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Sujet: Alfred de Musset Dim 2 Oct 2011 - 15:16
Alfred de Musset
Louis-Charles-Alfred de Musset-Pathay naquit à Saint-Denis le 11 décembre 1810, poète, romancier et aussi dramaturge. Il termina son voyage terrestre le 2 mai 1857 à Paris.
La Romantique d’ère le subjugue tout entier corps et âme jusqu'aux bouts de ses vers trop verts pour certaines gens à l'esprit fermé... Ses nombreuses et fatales dépressions voire ses nombreuses crises d'angoisses peuplées d'hallucinations monstrueuses et de névroses (peurs au centuple) en quantité géante dues à cette maladie que l'on nomme souvent avec honte l'alcoolisme et qui trop souvent même par les bonnes gens soi-disant qualifiées est comprise seulement point de vue physique mais n'est pas comprise en tant que maladie de l'âme; d'origine émotionnelle cette maladie s'avère sournoise, déroutante, mortelle et incurable; seul les effets peuvent être stoppés en s'abstenant de toute boisson alcoolisée.
Pendant le laps de temps où il vécu avec George Sand, cette dernière décrit parfaitement dans cette gigantesque de correspondance les symptômes, les crises de rage et les sautes d'humeur sporadiques dont est atteint Alfred; prototype parfait de la maladie de l'alcoolisme qui le mena à son dernier repos à l'âge de 46 ans ... L'alcool lui fut interdit par tous les médecins qui ont soigné De Musset; excellentissime et plausible de raisonnement mais interdire à un alcoolique actif en alcool qui ne sait pas comment ne pas ingurgiter d'alcool s'avère un dilemme complexe qui peut aller soit au suicide ou à la mort physique... Et encore pis lorsque sans comprendre ladite maladie certains médecins prescrivent à ceux-ci (les alcooliques soient actifs ou abstinents) des médications qui tout compte fait sont en réalité de l’alcool sec; tous les alcooliques sont allergiques aux médications. Plus les temps changent et plus c'est du pareil au même... (MDL ou la louve effrenée de belle musicalité).
[center] [size=18]Portrait de Musset par Charles Landelle (1821-1909)
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Sujet: Re: Une prière de Fra Angelico Dim 2 Oct 2011 - 16:09
Alfred de Musset (1810-1857)
Médaillon du cabinet des médailles (1831)
A George Sand (IV)
Il faudra bien t'y faire à cette solitude, Pauvre coeur insensé, tout prêt à se rouvrir, Qui sait si mal aimer et sait si bien souffrir. Il faudra bien t'y faire ; et sois sûr que l'étude,
La veille et le travail ne pourront te guérir. Tu vas, pendant longtemps, faire un métier bien rude, Toi, pauvre enfant gâté, qui n'as pas l'habitude D'attendre vainement et sans rien voir venir.
Et pourtant, ô mon coeur, quand tu l'auras perdue, Si tu vas quelque part attendre sa venue, Sur la plage déserte en vain tu l'attendras.
Car c'est toi qu'elle fuit de contrée en contrée, Cherchant sur cette terre une tombe ignorée, Dans quelque triste lieu qu'on ne te dira pas.
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«J’aimerais mieux être un crapaud et vivre des vapeurs d’un cachot que de laisser un coin de l’être que j’aime à l’usage d’autrui !» [ William Shakespeare ] - Othello
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Alfred de MUSSET (1810-1857)
Maria Malibran dans le rôle de Desdémone, Opéra Otello de Rossini en 1834. Portrait par François Bouchot. Musée de la Vie Romantique, Paris
A la Malibran
Stances
Sans doute il est trop tard pour parler encor d'elle ; Depuis qu'elle n'est plus quinze jours sont passés, Et dans ce pays-ci quinze jours, je le sais, Font d'une mort récente une vieille nouvelle. De quelque nom d'ailleurs que le regret s'appelle, L'homme, par tout pays, en a bien vite assez.
II
Ô Maria-Felicia ! le peintre et le poète Laissent, en expirant, d'immortels héritiers ; Jamais l'affreuse nuit ne les prend tout entiers. À défaut d'action, leur grande âme inquiète De la mort et du temps entreprend la conquête, Et, frappés dans la lutte, ils tombent en guerriers.
III
Celui-là sur l'airain a gravé sa pensée ; Dans un rythme doré l'autre l'a cadencée ; Du moment qu'on l'écoute, on lui devient ami. Sur sa toile, en mourant, Raphaël l'a laissée, Et, pour que le néant ne touche point à lui, C'est assez d'un enfant sur sa mère endormi.
IV
Comme dans une lampe une flamme fidèle, Au fond du Parthénon le marbre inhabité Garde de Phidias la mémoire éternelle, Et la jeune Vénus, fille de Praxitèle, Sourit encor, debout dans sa divinité, Aux siècles impuissants qu'a vaincus sa beauté.
V
Recevant d'âge en âge une nouvelle vie, Ainsi s'en vont à Dieu les gloires d'autrefois ; Ainsi le vaste écho de la voix du génie Devient du genre humain l'universelle voix... Et de toi, morte hier, de toi, pauvre Marie, Au fond d'une chapelle il nous reste une croix !
VI
Une croix ! et l'oubli, la nuit et le silence ! Écoutez ! c'est le vent, c'est l'Océan immense ; C'est un pêcheur qui chante au bord du grand chemin. Et de tant de beauté, de gloire et d'espérance, De tant d'accords si doux d'un instrument divin, Pas un faible soupir, pas un écho lointain !
VII
Une croix ! et ton nom écrit sur une pierre, Non pas même le tien, mais celui d'un époux, Voilà ce qu'après toi tu laisses sur la terre ; Et ceux qui t'iront voir à ta maison dernière, N'y trouvant pas ce nom qui fut aimé de nous, Ne sauront pour prier où poser les genoux.
VIII
Ô Ninette ! où sont-ils, belle muse adorée, Ces accents pleins d'amour, de charme et de terreur, Qui voltigeaient le soir sur ta lèvre inspirée, Comme un parfum léger sur l'aubépine en fleur ? Où vibre maintenant cette voix éplorée, Cette harpe vivante attachée à ton coeur ?
IX
N'était-ce pas hier, fille joyeuse et folle, Que ta verve railleuse animait Corilla, Et que tu nous lançais avec la Rosina La roulade amoureuse et l'oeillade espagnole ? Ces pleurs sur tes bras nus, quand tu chantais le Saule, N'était-ce pas hier, pâle Desdemona ?
X
N'était-ce pas hier qu'à la fleur de ton âge Tu traversais l'Europe, une lyre à la main ; Dans la mer, en riant, te jetant à la nage, Chantant la tarentelle au ciel napolitain, Coeur d'ange et de lion, libre oiseau de passage, Espiègle enfant ce soir, sainte artiste demain ?
XI
N'était-ce pas hier qu'enivrée et bénie Tu traînais à ton char un peuple transporté, Et que Londre et Madrid, la France et l'Italie, Apportaient à tes pieds cet or tant convoité, Cet or deux fois sacré qui payait ton génie, Et qu'à tes pieds souvent laissa ta charité ?
XII
Qu'as-tu fait pour mourir, ô noble créature, Belle image de Dieu, qui donnais en chemin Au riche un peu de joie, au malheureux du pain ? Ah ! qui donc frappe ainsi dans la mère nature, Et quel faucheur aveugle, affamé de pâture, Sur les meilleurs de nous ose porter la main ?
XIII
Ne suffit-il donc pas à l'ange de ténèbres Qu'à peine de ce temps il nous reste un grand nom ? Que Géricault, Cuvier, Schiller, Goethe et Byron Soient endormis d'hier sous les dalles funèbres, Et que nous ayons vu tant d'autres morts célèbres Dans l'abîme entr'ouvert suivre Napoléon ?
XIV
Nous faut-il perdre encor nos têtes les plus chères, Et venir en pleurant leur fermer les paupières, Dès qu'un rayon d'espoir a brillé dans leurs yeux ? Le ciel de ses élus devient-il envieux ? Ou faut-il croire, hélas ! ce que disaient nos pères, Que lorsqu'on meurt si jeune on est aimé des dieux ?
XV
Ah ! combien, depuis peu, sont partis pleins de vie ! Sous les cyprès anciens que de saules nouveaux ! La cendre de Robert à peine refroidie, Bellini tombe et meurt ! - Une lente agonie Traîne Carrel sanglant à l'éternel repos. Le seuil de notre siècle est pavé de tombeaux.
XVI
Que nous restera-t-il si l'ombre insatiable, Dès que nous bâtissons, vient tout ensevelir ? Nous qui sentons déjà le sol si variable, Et, sur tant de débris, marchons vers l'avenir, Si le vent, sous nos pas, balaye ainsi le sable, De quel deuil le Seigneur veut-il donc nous vêtir ?
XVII
Hélas ! Marietta, tu nous restais encore. Lorsque, sur le sillon, l'oiseau chante à l'aurore, Le laboureur s'arrête, et, le front en sueur, Aspire dans l'air pur un souffle de bonheur. Ainsi nous consolait ta voix fraîche et sonore, Et tes chants dans les cieux emportaient la douleur.
XVIII
Ce qu'il nous faut pleurer sur ta tombe hâtive, Ce n'est pas l'art divin, ni ses savants secrets : Quelque autre étudiera cet art que tu créais ; C'est ton âme, Ninette, et ta grandeur naïve, C'est cette voix du coeur qui seule au coeur arrive, Que nul autre, après toi, ne nous rendra jamais.
XIX
Ah ! tu vivrais encor sans cette âme indomptable. Ce fut là ton seul mal, et le secret fardeau Sous lequel ton beau corps plia comme un roseau. Il en soutint longtemps la lutte inexorable. C'est le Dieu tout-puissant, c'est la Muse implacable Qui dans ses bras en feu t'a portée au tombeau.
XX
Que ne l'étouffais-tu, cette flamme brûlante Que ton sein palpitant ne pouvait contenir ! Tu vivrais, tu verrais te suivre et t'applaudir De ce public blasé la foule indifférente, Qui prodigue aujourd'hui sa faveur inconstante À des gens dont pas un, certes, n'en doit mourir.
XXI
Connaissais-tu si peu l'ingratitude humaine ? Quel rêve as-tu donc fait de te tuer pour eux ? Quelques bouquets de fleurs te rendaient-ils si vaine, Pour venir nous verser de vrais pleurs sur la scène, Lorsque tant d'histrions et d'artistes fameux, Couronnés mille fois, n'en ont pas dans les yeux ?
XXII
Que ne détournais-tu la tête pour sourire, Comme on en use ici quand on feint d'être ému ? Hélas ! on t'aimait tant, qu'on n'en aurait rien vu. Quand tu chantais le Saule, au lieu de ce délire, Que ne t'occupais-tu de bien porter ta lyre ? La Pasta fait ainsi : que ne l'imitais-tu ?
XXIII
Ne savais-tu donc pas, comédienne imprudente, Que ces cris insensés qui te sortaient du coeur De ta joue amaigrie augmentaient la pâleur ? Ne savais-tu donc pas que, sur ta tempe ardente, Ta main de jour en jour se posait plus tremblante, Et que c'est tenter Dieu que d'aimer la douleur ?
XXIV
Ne sentais-tu donc pas que ta belle jeunesse De tes yeux fatigués s'écoulait en ruisseaux, Et de ton noble coeur s'exhalait en sanglots ? Quand de ceux qui t'aimaient tu voyais la tristesse, Ne sentais-tu donc pas qu'une fatale ivresse Berçait ta vie errante à ses derniers rameaux ?
XXV
Oui, oui, tu le savais, qu'au sortir du théâtre, Un soir dans ton linceul il faudrait te coucher. Lorsqu'on te rapportait plus froide que l'albâtre, Lorsque le médecin, de ta veine bleuâtre, Regardait goutte à goutte un sang noir s'épancher, Tu savais quelle main venait de te toucher.
XXVI
Oui, oui, tu le savais, et que, dans cette vie, Rien n'est bon que d'aimer, n'est vrai que de souffrir. Chaque soir dans tes chants tu te sentais pâlir. Tu connaissais le monde, et la foule, et l'envie, Et, dans ce corps brisé concentrant ton génie, Tu regardais aussi la Malibran mourir.
XXVII
Meurs donc ! ta mort est douce, et ta tâche est remplie. Ce que l'homme ici-bas appelle le génie, C'est le besoin d'aimer ; hors de là tout est vain. Et, puisque tôt ou tard l'amour humain s'oublie, Il est d'une grande âme et d'un heureux destin D'expirer comme toi pour un amour divin !
D'Alfred de Musset
"On ne badine pas avec l'amour." Alfred de Musset
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Sujet: Virgile Dim 2 Oct 2011 - 20:09
Virgile et ses Oeuvres pastorales...
Dante et Virgile visitent l'Enfer, peinture de William Bouguereau.
Virgile signifie en latin Publius Vergilius Maro; il naquit ax environs du 15 octobre 70 av. J.-C. à Andes, aujourd'hui nommée Lombardie. Il termina son voyage terrestre le 21 septembre 19 av. J.-C. à Brindes; il fut un poète et écrivain latin.
Plusieurs traducteurs anciens et modernes ont traduit du latin au français les écrits de Virgile; Marcel Pagnol avait une grande admiration pour Virgile, c'est ainsi qu'en 1958 il s’engagea dans la traduction française des Bucoliques, recueil de Virgile.
Anciennement les poèmes de Virgile furent nommés les Églogues; Les Bucoliques, Les Géorgiques et l’Enéide s'avèrent les trois remparts littéraires de Virgile.
Notons que Virgile a beaucoup influencé Pierre de Ronsard et plusieurs autres...
l'Énéide demeura inachevé de Virgile il y œuvra douze ans sa vie durant. Grâce à Auguste cette œuvre ne fut pas trahie par les flammes; Virgile en ses volontés ultimes demanda de la détruire mais Auguste lui a désobéi...
Citation :
"Dans la première partie de l’Énéide, Virgile raconte les voyages d’Énée après la chute de Troie, jusqu’à son arrivée en Italie (livres I à VI.). Cette partie ressemble fort à l’Odyssée.
Dans la seconde partie du récit (livres VII à XII.), l’auteur relate les conflits que dut livrer Énée et ses compagnons pour la conquête de Latium, jusqu’à la création du royaume de Lavinium. Cette partie ressemble fort à l’Iliade.
Au cours des points suivants, nous allons relater l’aventure d’Énée non pas telle qu’elle est comptée dans l’Énéide (le récit commence lors de l’arrivée des Troyens à Carthage, qui, par le biais de flash back, relatent leurs aventures.), mais de manière chronologique (c’est à dire de la chute de Troie à la fondation du royaume de Lavinium.)."
Source: Histoire de la Rome antique - CHAPITRE PREMIER : Rome, entre mythe et Histoire- I: L'Énéide
"[1,130] qui commanda aux loups de vivre de rapines, à la mer de se soulever; qui fit tomber le miel des feuilles, cacha le feu et arrêta les ruisseaux de vin qui couraient çà et là: son but était, en exerçant le besoin, de créer peu à peu les différents arts, de faire chercher dans les sillons l'herbe du blé et jaillir du sein du caillou le feu qu'il recèle. Alors, pour la première fois, les fleuves sentirent les troncs creusés des aunes; alors le nocher dénombra et nomma les étoiles : les Pléiades, les Hyades et la claire Arctos, fille de Lycaon. Alors on imagina de prendre aux lacs les bêtes sauvages, de tromper les oiseaux avec de la glu.
[1,130] praedarique lupos iussit pontumque moueri, mellaque decussit foliis ignemque remouit et passim riuis currentia uina repressit, ut uarias usus meditando extunderet artis paulatim, et sulcis frumenti quaereret herbam, ut silicis uenis abstrusum excuderet ignem. tunc alnos primum fluuii sensere cauatas; nauita tum stellis numeros et nomina fecit Pleiadas, Hyadas, claramque Lycaonis Arcton. tum laqueis captare feras et fallere uisco."
Source: Itinera Electronica. Du texte à l'hypertexte Extrait:Virgile, Géorgiques, Livre I - Travaux des Champs(I, 43-203)Virgile, Géorgiques, Livre I).
Vu par plusieurs critiques anciens ou contemporains comme poète ambigu, Virgile et son Immortalité littéraire demeurera à toujours une réalité incontestable.
Fait notablement notoire Virgile était loyalement droit et pur de cœur et en ses mœurs.
Sur l'épitaphe de Marcel Pagnol, la citation ci-dessous accolée:
«Fontes Amicos Uxorem Dilexit (Il a aimé les sources, ses amis, sa femme).» (Virgile).
Dernière édition par Marquise des Loups le Ven 28 Oct 2011 - 15:26, édité 2 fois
Marquise des Loups Othelliste
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Sujet: Extrait de Passions et Vanités Lun 10 Oct 2011 - 15:14
André Rieu - The God Father
Extrait de Passions et Vanités par la Comtesse de Noailles
Anna-Élisabeth de Noailles, née princesse Bibesco Bassaraba de Brancovan Naquit à Paris le 15 novembre 1876 et termina son voyage terrestre à Paris le 30 avril 1933.
CE QUE J’APPELLERAIS LE CIEL
Citation :
La petite ville d’Évian, en Savoie, au bord du lac Léman, est pour moi le lieu de tous les souvenirs. C’est là que j’ai, dans mon enfance, tout possédé, et dans l’adolescence tout espéré. Si le parfum est le plus prompt véhicule que l’âme puisse emprunter au monde pour rejoindre le passé, l’infini, les cieux, je suis ici dans ce royaume de la mémoire.
Je reconnais les vives odeurs du lac, légères et mouvementées, où l’on discerne un parfum de marine et d’ablettes, de goudron éventé, de barques peintes et clapotantes, qui font rêver des grands ports et des voyages. A cette jubilante émanation du rivage il faut joindre l’arôme matinal de la rosée des nuits, partout encore en suspens et que l’azur s’assimile ; des effluves d’herbes et de pollens qui contaminent suavement l’intacte pureté de l’air, et de fines senteurs animales : plumages volants et pépiants, roitelets, chardonnerets, merles charmants et maladroits, fardeau de la délicate pelouse.
Le lac, en été, est un satin tendu, plus soyeux que l’éther, moins que lui cristallin. Le silence, dans cette atmosphère de turquoise crémeuse, formerait un bloc de compact azur, s’il n’était disjoint de moment en moment par le bourdonnement saccadé des bateaux à vapeur, qui semblent transporter d’une rive à l’autre l’impatience aventureuse, et l’exaucement des désirs.
Là j’ai vraiment connu la joie, visiteuse forcenée, archange tumultueux qui pénétrait en moi avec toutes ses ailes pour m’entraîner, trébuchante de radieux vertige, vers les régions illimitées de l’espérance.
- Continuité des choses, jeunesse des éléments, vous que j’ai contemplées avec les yeux éblouis de l’enfance, plus brillants que le vert thuya grêlé de soleil, vous étincelez toujours, et moi je passe, bientôt j’aurai passé ! Quand mon esprit est sans cesse transformé par les arabesques des événements, semblables à la course des nuages, je retrouve toujours pareille, active, satisfaite, honnête, la petite ville rêveuse de mon enfance. Je suis au milieu de ma vie qu’encore le couvent des Clarisses, bien qu’abandonné à présent, garde dans un matin de mai sa juvénile beauté.
Mêlant mes souvenirs à la pure matinée, je vais essayer de dépeindre sa joie rustique, sa blancheur de tubéreuse, ses lignes bien tendues, qui, contenant l’azur, le silence, la musique, de frémissantes prières et le sol vivace d’un jardin ordonné, me dispensaient tour à tour le calme captivant et l’allégresse dionysiaque.
De bonne heure, le dimanche matin, sous le soleil de juillet et d’août, nous nous hâtions vers la chapelle du couvent. La route à parcourir était assez longue, moelleuse de poussière blonde, bordée d’un côté par les ronciers et les mûriers, où les volubilis, si fragiles, naissaient, disparaissaient, comme un regard et un soupir de fleur. De l’autre côté de la route, les collines s’appuyaient amicalement à l’espace, s’incurvaient pour laisser courir la ligne argentée où s’élançaient les trains, et précipitaient dans la plaine de petites sources torrentielles, qui s’abattaient en bouillonnant, en chuchotant, comme pour porter aux prairies, parmi les verts osiers, je ne sais quelle heureuse nouvelle des sommets.
J’ai, pendant mon enfance et mon adolescence, parcouru cette route avec un plaisir si fort qu’il me semble avoir failli mourir de la joie de vivre. Cette joie m’était lancée de tous les points de l’étendue, et, me frappant comme de mille balles argentines, me faisait réellement chanceler de nostalgie céleste et d’ineffable convoitise.
A mesure que nous approchions du couvent, la cloche aux sons distincts répandait à travers les clématites qui tapissaient les murailles du monastère son bruit vibrant, alerte, peiné aussi, comme émané d’un coeur fendu, trop sensible, mais brave, et qui distrait sa détresse, la rejette à mesure, et bannit de soi toute langueur. Nous arrivions. En face du couvent, la villa des Quatre-Saisons disparaissait sous la vigne vierge et les pétunias. J’éprouvais là, en regardant cette maison dans laquelle je n’étais jamais entrée, la prédilection de l’enfance pour ce qui ne lui appartient pas, et mon imagination situait en cette romanesque demeure des plaisirs sans blâme et un contentement sans défaut. Mais l’on m’arrachait à cette méditation pour me guider vers le religieux enclos.
Il suffisait de pousser une porte de bois plein, à ressorts, dont je sens encore sous ma main la résistance et la pression contrariée, pour pénétrer dans cet asile souriant, qui, chaque fois, installait brusquement dans mes yeux une image d’humble paradis, parfaitement radieux.
Dirai-je qu’en me rendant, à quatorze ans, les dimanches de juillet, dans un poudroiement de soleil et de poussière, chez les religieuses Clarisses, j’étais une enfant dévote que le service de Dieu uniquement attirait ? Non point. Certes, le dimanche matin me semblait marqué pour la joie, et pour une joie religieuse, mais j’étendais à tous les sentiments cette gravité et cette liesse.
- Jeunesse, ambition, amour, munificence, paysages infinis, je vous ai possédés au son d’une cloche de couvent, dont les vibrations glauques et liquides chantaient tous les départs, toutes les constances, et sanctifiaient la sublime générosité du désir !
Si jamais j’ai été fière d’un beau visage enfantin, triomphante d’un gai chapeau, occupée de l’ombre régulière que mes cheveux devaient former sur mon front, - enfin, si jamais j’ai ressenti la gratitude de posséder cette part individuelle du ciel qu’est l’adolescente beauté, c’est bien le dimanche matin en me rendant chez les Clarisses.
Aussi, je n’oublierai pas le jour, où, distraite, émerveillée, prêtant l’oreille aux cymbales d’argent d’un exultant azur, - et bien contente de moi, - je trébuchai, dans mes souliers d’antilope blancs, sur la pente rapide et caillouteuse où l’on s’engageait sitôt la porte du couvent ouverte, et qui, en quelques pas, menait à la chapelle. Sur cette abrupte allée, je tombai donc. Jamais, en aucune occasion où j’étais en défaut, on n’eût pu me faire croire que le monde entier ne me voyait pas ; mon coeur, bondissant et ne connaissant pas de limites, communiquait avec l’univers, et je croyais à la réversibilité de ce prodigieux mirage. Ce matin-là, les fidèles vêtus avec recherche arrivaient en rangs pressés et ma faiblesse était évidente, leurs regards s’en assuraient, je pouvais à peine me relever. Le pied endolori, je marchais avec difficulté vers l’église.
L’orgueil, si nécessaire à l’amour et au plaisir, et qui, dès l’enfance, mène au fond des êtres sa tragédie éternelle, m’avait abandonnée. Dans la chapelle, gorgée pour moi de promesses, je me sentis frustrée de cette fierté paisible, audacieuse, avec laquelle, à l’ordinaire, et tandis que se déroulait la messe, je rêvais à toutes les suavités, à toutes les possessions de la terre !
- Indicibles rêveries brûlantes, qui, comme autant d’équateurs traversant en tous sens le globe, me transperciez de mille flèches torrides, vous par qui j’ai régné sur le monde en suffoquant d’extase solitaire, par qui j’ai été comme un jeune tyran qui veut gouverner les peuples pour les combler de bienfaits et pleurer ensuite aux pieds de ses propres esclaves du regret de n’avoir pu leur donner plus encore, - ô rêveries, c’est à vous que je dois de m’être destinée au langage de la poésie, lorsque je compris, dès mes plus jeunes années, que les éléments, l’espace, la contemplation, les sanglots explosifs et muets de l’âme ne sont pas l’échange intelligible dévolu aux vivants !
L’église aux murs d’un blanc bleuâtre retenait dans son frais abri cette paix absolue, cette majesté simple déférée aux lieux consacrés, qui ne sont saturés que d’un seul parfum, d’une seule et obstinée et rayonnante pensée. Qu’il m’était doux de pénétrer dans cette atmosphère éthérée, de porter le joug léger et ennoblissant de la subtile présence divine, de me sentir contrainte, soudain, en tous mes gestes, en tous mes éclats de voix, et appelée à comparaître, ainsi modifiée, devant le Roi des Rois, qui me reconnaissait, me commandait des devoirs difficiles et nouveaux transmis par mon livre de prières, et ne me jugeait pas indigne de les accomplir !
L’église est aujourd’hui fermée, mais je n’ai rien oublié de l’ameublement naïf et ingénieux de ce vaisseau des rêves. Avant la messe, tandis que nous prenions place dans les bancs à qui le frais encaustique communiquait une odeur de miel et d’abricot séché, les religieuses erraient à pas de chevreuil dans leur neigeuse église. Leur vêtement de bure, comme leur silencieuse démarche, les apparentait à ces timides animaux des forêts. Elles disposaient les chaises, les lourds chandeliers, les pots de fleurs et les bréviaires dans un ordre rituel et mystérieux, avec une adresse étouffée, immanquable et tendre, mais elles paraissaient néanmoins hésitantes et comme saisies de la crainte de troubler un sommeil auguste, et de faire, par un geste trop accusé, s’écrouler sur elles le poids mystique de l’édifice qu’elles aménageaient en tremblant.
Il est des fleurs qui ne croissent que pour les couvents : fleurs prédestinées qui ont la vocation de l’autel et renoncent aux abeilles pour écouter le léger bourdonnement que fait la voix de l’enfant de choeur. Je n’ai vu ni dans les campagnes, ni dans les jardins, observés par moi avec tant d’amour, mais seulement chez les religieuses Clarisses, ces hautes quenouilles de pétales bleus, cierges d’azur vivant qui s’élançaient au pied des statues de sainte Colette et de sainte Claire. Ah ! que ces statues innocentes, violentes, m’étaient chères ! Excès des visages religieux, ascension de l’âme, transports des regards, combien déjà vous me plaisiez ! Si, comme dit Goethe, le meilleur de l’homme est l’émotion, le tremblement, avec quel respect ne devons-nous point considérer ces créatures frappées de la foudre, saisies et maintenues dans un état de commotion sacrée, et que revêt le déploiement dramatique des plus passionnées facultés de l’être ?
Ainsi, autour d’une humble église de petite ville, située au bord d’un rivage, la vie humaine se déroule. C’est, selon les saisons, l’odeur des foins, des vendanges, du bois scié, du laitage, du fumier même. Les pauvres travaux assidus des paysans, ou bien les amusements frivoles des voyageurs qui assaillent pendant les mois étincelants une petite cité aux belles fontaines, recouvrent de leur tristesse ou de leur joie légère les rues gracieuses et les campagnes. Mais qu’on approche de l’église, qu’on pousse la porte, et voici qu’éclate, permanente et dans le silence, la tragédie de l’amour indompté ! Un autel, un crucifix, du sang, des larmes, un Dieu qui meurt, des visages peints, frappés de la foudre, des yeux élancés, des coeurs qui se rompent sous des mains qui les compriment, c’est une immense fuite de la vie, arrêtée et fixée dans le moment de son sublime départ ! « Nul n’a un plus grand amour, dit l’Écriture, que de donner sa vie pour son ami. » Ici l’on aimait et l’on mourait. Cet attrait palpitant de l’adolescence pour la douleur, - sommet où le plaisir a son achèvement et se fait porter par l’indicible ivresse au-dessus du trépas, - qui plus que moi l’aura jamais connu ? Donc, petite fille, pendant le service divin, je regardais longuement, à travers les fusées de fleurs bleues, les statues de sainte Colette et de sainte Claire ; je me tourmentais du désir de savoir laquelle de ces deux saintes en leur sombre peinture marron, le pur visage rose levé vers la nef, le coeur visible et transverbéré, laquelle des deux était la première, la plus estimée, la plus méritante, la plus aimée de Dieu. Je voulais le savoir pour plaindre l’autre, pour compatir à l’infortune de son rôle secondaire, pour la dédommager, par ma tendresse et ma confiance, de cette situation diminuée, que je jugeais, dans ma fierté, difficilement acceptable. Un oratoire était consacré à saint François de Sales, mais cette statue-là était d’un paisible aspect ; l’archevêque de Genève ne me plaisait pas ; son visage à barbe carrée, son regard d’un bleu sec, son surplis de broderie, - tel enfin que le représentait l’imagier, ne retenait pas mon coeur ; cette fois-ci, le peintre nous séparait.
A la fin de la messe, au moment où, peut-être, ma turbulence contenue d’enfant eût pu commencer à se lasser du divin climat de l’église, éclatait le chant charmant et psalmodié des religieuses agenouillées dans un banc à nos côtés, auquel répondaient, de derrière un noir grillage lustré qui faisait le fond de la chapelle, les religieuses invisibles, vierges cloîtrées que nul ne peut approcher, et dont le mélodieux murmure m’emplissait d’une surprise, d’une révélation sacrées.
Ils ne connaîtront point cet émoi, ceux qui, sollicités comme je l’étais par les phares aux mille feux de la vie avenante, n’entendront pas soudain, pendant quelques instants, le souffle mystérieux des recluses : remous de voix enfermées, flots retirés de l’Océan et de tous les rivages, et qui consentaient à rester arrêtés dans l’extase, au fond de la vasque perdue qu’est un petit cloître de province, pour refléter uniquement le ciel ! - Chères voix sans orgueil, sans volonté, sans projets, symbole du détachement humain, soyez bénies pour m’avoir prouvé l’amour absolu et son abandon reposé !
C’est avec hâte, et un matinal appétit de bavardage dont nous venions d’être privés, que nous quittions la chapelle pour nous retrouver dans le jardin du petit monastère. Le soleil y tombait avec une passion directe, et comme les pigeons s’abattent sur les écuelles de maïs. L’éther pétillait d’allégresse, et distribuait un contentement immédiat, qui semblait devoir être éternel. Les guêpes et les abeilles, fileuses de l’air et du soleil, élançaient le courant chaud de leur vol, faiblement bourdonnant. Tout était bonheur, envolement, confiance, plénitude ! Nous restions là, un peu intimidés par cette demeure secrète de bois clair et verni, où les corps se faisaient furtifs, impondérables. Bientôt, les humbles soeurs, quittant à leur tour la chapelle, nous rejoignaient. Quelle grâce sur le plus rude, sur le plus ingrat visage ! De même qu’ils ont des fleurs uniques, les couvents possèdent les regards incomparables, - non point beaux et séduisants, mais pareils à la musique, à la charité, à l’humilité, à l’espérance, et qui brûlent de plaisir.
Petits yeux pointus et champêtres d’une religieuse au visage plus mal établi que ne seraient une chaise ou une table inutilisables, bien petits yeux qui rayonniez au-dessus d’un large sourire campagnard aux dents abîmées, vous étiez plus accueillants et plus rassurants par vos baies étroites où s’entassait comme une récolte serrée la puissance miraculeuse des coeurs dévoués, que les splendides maisons des villes, à l’heure nocturne où toutes leurs fenêtres répandent une clarté qui défie le jour ! - Bonnes religieuses, heureuses à force de vertu, et, qui, bien qu’épaisses et sans grâce, étinceliez dans votre couvent autant que la pâquerette ravie sur sa touffe d’herbe matinale, vous ne connaissiez qu’un moment bien pénible, c’est quand nous vous tendions, en prenant congé de vous, notre poignée de main d’enfants respectueux. Votre embarras épouvanté, qui nous troublait fort, avait des raisons profondes ; vous étant données à Dieu un jour et pour toujours, et dans un ouragan d’anéantissement, vous ne saviez plus au juste ce dont vous pouviez disposer encore, et certes vos mains, vos robustes et timides mains dissimulées dans vos larges manches en sombre lainage franciscain, vous semblaient réservées à seul maître, et ne pas devoir être un lien de complicité avec le monde. Et puis, chères et saintes filles, nous étions à vos yeux des enfants de riches, et, - je vous en demande pardon, - vous nous considériez avec déférence. Votre spontanée et ferme humilité se réjouissait de tous les obstacles, de toutes les distances ; vous contempliez ces distances avec béatitude, vous choisissiez de vous maintenir à la dernière place, ô vous à qui je n’apportais rien qui vous fût profitable, et qui, en échange, m’avez donné un long rayon de poésie…
Tandis que nous causions avec l’une des religieuses, le jardin du cloître s’animait. Un vieillard mendiant arrivait sur ses béquilles, sans fausse honte, se sachant attendu et apprécié chez les soeurs. Il s’asseyait sur un banc de bois, parmi les fleurs, dans une portion de monastère bocager où se fût complu l’ange de l’Annonciation, et qu’embaumait la molle odeur vanillée des pétunias. Il prenait des mains d’une des religieuses le bol de soupe quotidien ; un autre mendiant venait faire panser une plaie, et si pure était la joviale netteté de ces lieux, que la corruption de la chair n’en altérait pas la juvénile et salubre candeur.
Un vieil ami de notre famille, dont la véhémente nature enchanta notre enfance, s’était fait notre guide religieux, tenace et emporté ; il avait vécu dans l’impénitence jusqu’à l’approche de la vieillesse et puis s’était jeté dans une dévotion violente, raisonneuse, pittoresque, inique, imperturbable. Nul n’aimait la musique plus que ce vieil ami, il vénérait Mozart à l’égal de saint Thomas, et eût renoncé peut-être à ses chances de paradis qu’il organisait avec âpreté, s’il eût pensé que Dieu n’était pas harmonie au moins autant que charité.
C’est ainsi qu’il contraignit un jour les Clarisses à établir dans leur monastère le plain-chant de Guy d’Arezzo. Ce nom nous émerveillait ; messager d’Italie que du haut du ciel saint François envoyait aux filles de sainte Claire ! Rien n’était plus touchant que de voir ces douces femmes empressées autour de notre ami, l’écoutant, le craignant, renonçant avec peine à leurs modestes cantiques romanesques accompagnés par le souffle court de leur petit orgue, mais fières d’être instruites et gourmandées par un monsieur des villes, et se résignant à entonner cette musique unie, qui privait leur coeur innocent de sa secrète sensualité. La plus vieille de ces femmes était si transparente que je ne puis la comparer qu’aux pétales macérés que j’ai vus dans de l’eau de fleurs de lis ; la plus jeune, au contraire, avait la teinte excessive de la route calcéolaire ; sa timidité lui faisait à jamais un masque écarlate ; dans le paradis même elle eût choisi d’être la servante de Marthe, qui fut la servante de Marie. Je me risquais un jour à demander à la moins affinée, à la plus sociable d’entre elles, comment elle supportait les monotones travaux de sa vie.
- Eh bien ! - me répondit-elle avec un grand rire modeste, - on pense au ciel !
Donc, ces humbles femmes, groupées sur un radieux rivage dont elles ne recevaient que la bleuâtre buée et la rumeur amortie, pensaient au ciel. Hier, en visitant leur couvent désormais abandonné, je me suis répété ces mots : Là, des coeurs appliqués, simples, éblouis, pensaient au ciel !
Ni les astronomes, dont le regard déchiffre l’arithmétique étourdissante des nuits et dont l’âme écoute ce chant des sphères dont parle Pythagore ; ni les poètes, qui, dans, leur solitude anxieuse ou sereine, ont fait de l’étendue leur compagne secrète, n’ont connu un tel exclusif amour du ciel.
Je suis restée à rêver dans ce désordre des fleurs et des bâtiments. L’aimable allée brusque et caillouteuse que le mendiant infirme parcourait dignement, l’allée où, jeune fille, je suis tombée avec une confusion que l’amour-propre rendit extrême, est envahie à présent par les branches des aubépines, des cytises, des lilas, des épais magnolias, au feuillage vernissé, qui n’ont plus leur faste ciselé, mais, faute de soins, retournent à la barbarie. Les fleurs pourpres des marronniers jonchent le sol, parure inutile, grains de grenade moelleux qui pourrissent à terre. Le petit cloître qui borde le jardin est fermé ; des enfants pauvres, aux pas encore mal assurés, essaient tout seuls, avec la morne gravité si poignante des petits indigents, leurs premiers jeux, dans ce silence qui regrette et pleure des âmes. Les cloîtres fermés sont des tombeaux sans morts, autour de qui voltigent de légers reproches, semblables au vol désemparé et aux longs cris d’adieu des hirondelles.
Je pense à vous, innocentes congrégations rêveuses, pour qui le mot ciel avait une signification précise, impossible pour nous, mais toujours désirée !
Je m’approche de la chapelle ; mon coeur se serre. L’escalier de granit, la porte close sont encombrés de vils objets. Parmi ce désordre je vois les débris d’un berceau d’osier, petit lit de paysan, qui se dénatte, usé par le soleil et les pluies. Les splendides glycines, tout imbues d’elles-mêmes, semblent repliées sur leur propre parfum et rêvent à l’écart du monde. Mes mains voudraient déblayer d’abord, et puis forcer la porte barrée de la chapelle pour me permettre de goûter une fois encore à l’eau aérienne de ce puits de songe et d’amour. Mais personne n’entre plus dans l’église désaffectée.
Quoi ! je suis séparée ainsi de ma jeunesse, séparée de la jeune fille que j’étais et que j’allais revoir, là, sur le prie-Dieu de bois et de rouge velours où, tantôt distraite, tantôt absorbée, elle posséda la seule part de sa destinée qui ne fut point déchirante ? Ce n’est que du dehors que je puis contempler les vitraux bleuâtres et violacés, ce mensonge béni qui colorait l’air intérieur de la chapelle de la teinte des golfes, et me plongeait vivante dans le même azur sombre qu’habitent les récifs de corail, les perles orgueilleuses et la méduse rose, fleur écumeuse et spasmodique des mers…
Et elles, où sont-elles allées, ces recluses et demi-recluses qui pensaient au ciel ? L’idée fixe céleste semblait être piquée sous leur front comme les lucioles dans la prairie du soir. Humbles lampes naturelles, elles prenaient leur place parmi ce qui brille et médite, entre les phalènes et les astres.
Hormis la candide beauté du monde, que tout est soudain triste ici ! Je me retire, je m’assieds sur le coin d’un banc demeuré là. Je rêve à ce que fut la vie. J’ai voulu toutes choses ici-bas et, si je songe, je m’aperçois que je n’ai rien voulu qui ne fût le ciel. Et lequel d’entre nous, parmi les humains enflammés d’une digne et douloureuse ambition, a cherché quelque chose d’absolu, de profond, de durable qui ne soit pas le ciel ? Le ciel, non point comme l’entendaient ces simples femmes en prière, ni comme l’entendent les croyants et les prêtres, mais ce ciel qui est le rêve et l’infini, qui a pénétré le désir des hommes, qui les sollicite par l’orgueil, la passion, le courage, la pitié, le besoin d’éternité et le spectacle de la mort ; ce ciel qui ne nous laisse plus de repos en ce qui concerne la possession des trésors de la vie ! Je me reporte sans cesse au puissant soupir de Septime-Sévère, assis sur une des collines de Rome, et regardant mélancoliquement du côté d’Albe-la-Longue : « J’ai été tout, murmurait-il, et tout n’est rien. » Pourrons-nous nous résigner à ce néant, à cet immense désert ?
Et quand Bonaparte en Italie, épuisé de gloire et d’inquiétude amoureuse, distrait de ses sublimes victoires par son amour pour son amie, écrivait de Tortone, un soir, une lettre qui tomba à Milan dans une salle du palais Serbelloni, ou à Paris, rue Chantereine, sur les genoux nonchalants de Joséphine, - lettre dont j’ai retenu ces deux mots haletants, harassés : « Mourir ensemble… » - le vainqueur du monde pensait au ciel.
Il pensait au ciel, Beethoven, dont les grandes houles gémissantes, pareilles aux océans tourmentés par leurs chaînes profondes, se soulevaient vers les astres ; Rousseau, qui fuyait les villes pour s’élever, le coeur contracté d’amertume, vers les campagnes neigeuses où fleurissent la gentiane bleue et le frais arnica ; ils pensaient au ciel, tous ceux qui, exaltés ou déçus, nous ont laissé le témoignage de leur terrestre exil.
Et quand, entre deux êtres qui se sont aimés, tout est passé, brisé, quand les époux, les amants ont vu s’évanouir les suaves illusions qu’ils avaient promis de rendre éternelles, il reste encore entre eux un lien indéfinissable, qu’aucune combinaison humaine ne pourrait plus renouer ni satisfaire, mais dont l’âme a bien la connaissance ; lien puissant, saturé de mélancolie, d’espérance sans but et sans moyen, mais qui ne se lasse pas, et que j’appellerais le ciel…
Extrait de: Passions et vanités par la Comtesse de Noailles
Formule empruntée à la cérémonie burlesque du Malade imaginaire de Molière, et qui s'emploie toujours par plaisanterie, quand il s'agit d'admettre quelqu'un dans une corporation ou une société.
Andre Rieu - The God Father
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Marquise des Loups Othelliste
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Sujet: Anna de Noailles Lun 10 Oct 2011 - 15:49
Magnet
D'Anna de Noailles Regrets
Allez, je veux rester seule avec les tombeaux : Les morts sont sous la terre et le matin est beau, L’air a l’odeur de l’eau, de l’herbe, du feuillage, Les morts sont dans la mort pour le reste de l’âge… Un jour, mon corps dansant sera semblable à eux, J’aurai l’air de leur front, le vide de leurs yeux, J’accomplirai cet acte unique et solitaire, Moi qui n’ai pas dormi seule, aux jours de la terre ! Tout ce qui doit mourir, tout ce qui doit cesser, La bouche, le regard, le désir, le baiser ! Etre la chose d’ombre et l’être de silence Tandis que le printemps vert et vermeil s’élance Et monte trempé d’or, de sève et de moiteur ! Avoir eu comme moi le cœur si doux, le cœur Plein de plaisir, d’espoir, de rêve, et de mollesse Et ne plus s’attendrir de ce que l’aube cesse ; Etre au fond du repos l’éternité du temps… D’autres alors seront vivants, joyeux, contents, Des hommes marcheront auprès des jeunes filles, Ils verront des labeurs, des moissons, des faucilles, La couleur délicate et changeante des mois. Moi, je ne verrai plus, je serai morte, moi, Je ne saurai plus rien de la douceur de vivre… Mais ceux-là qui liront les pages de mon livre, Sachant ce que mon âme et mes yeux ont été, Vers mon ombre riante et pleine de clarté Viendront, le cœur blessé de langueur et d’envie, Car ma cendre sera plus chaude que leur vie…
D'Anna de Noailles
D'Anna de Noailles L’Offrande à la Nature
Nature au cœur profond sur qui les cieux reposent, Nul n’aura comme moi si chaudement aimé, La lumière des jours et la douceur des choses, L’eau luisante et la terre où la vie a germé.
La forêt, les étangs et les plaines fécondes Ont plus touché mes yeux que les regards humains, Je me suis appuyé à la beauté du monde Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains.
J’ai porté vos soleils ainsi qu’une couronne Sur mon front plein d’orgueil et de simplicité, Mes jeux ont égalé les travaux de l’automne Et j’ai pleuré d’amour aux bras de vos étés.
Je suis venue à vous sans peur et sans prudence Vous donnant ma raison pour le bien et le mal, Ayant pour toute joie et toute connaissance Votre âme impétueuse aux ruses d’animal.
Comme une fleur ouverte où logent des abeilles Ma vie a répandu des parfums et des chants, Et mon cœur matineux est comme une corbeille Qui vois offre du lierre et des rameaux penchants.
Soumise ainsi que l’onde où l’arbre se reflète, J’ai connu des désirs qui brûlent dans vos soirs Et qui font naître au cœur des hommes et des bêtes La belle impatience et le divin vouloir.
Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature! Ah! faut-il que mes yeux s’emplissent d’ombre un jour, Et que j’aille au pays sans vent et sans verdure Que ne visitent pas la lumière et l’amour…
"Donec eris felix, multos numerabis amicos." "Tant que tu seras heureux, tu compteras beaucoup d'amis."
"Tempora si fuerint nubila, solus eris." "Si le ciel se couvre de nuages, tu seras seul."
Vers d'Ovide (Tristes, 1, 9, 5).
Ovide fut exilé par Auguste et fut ainsi abandonné de ses amis.
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Marquise des Loups Othelliste
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Sujet: Les Funérailles de Napoléon - Louise Colet Jeu 20 Oct 2011 - 22:52
Deuxième Partie Louise Colet
Louise Révoil naquit le 15 septembre 1810 à Aix-en-Provence, elle termina son voyage terrestre le 8 mars 1876 à Paris. Poète française elle côtoya les salons littéraires avec les plus grands auteurs d'antan tels: Flaubert, de Musset, Victor Hugo...
Œuvres de Louise Colet
Fleurs du midi, 1836 Penserosa, 1839 La Jeunesse de Goethe, 1839 Les Cœurs brisés, 1843 Les Funérailles de Napoléon, 1840 La Jeunesse de Mirabeau, 1841 Lui, 1859
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°° (Produit de collection).
Ces petits messieurs Louise Colet
En ligne: Poème Louise Colet 16 décembre 1840
Les Funérailles de Napoléon
Louise Colet Les Éditions Garnier Frères (1840) Histoire
+++++++++++++++++++++++++++++++
Œuvres de Louise
Quelques poèmes dans Le Parnasse contemporain, II Pœstum La Ville des esclaves
Quelques poèmes dans Le Parnasse contemporain, III Groupes d'Arabes
Parus dans la Revue des Deux Mondes :
Mme du Chatelet (1845)
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Louise Colet
Citation :
"Âgée d’une vingtaine d’années, Louise Révoil épouse Hippolyte-Raymond Colet, un musicien académique, en partie afin d’échapper à la vie provinciale et de résider à Paris.
À son arrivée à Paris, Louise Colet commence à publier son œuvre et obtient bientôt le prix de l’Académie française d'un montant de deux mille francs, le premier de quatre prix de l’Académie qu’elle obtiendra. Certains critiques affirment aujourd’hui qu’elle a obtenu ces prix, non pour son mérite, mais par l’influence d’amis. Dans son salon littéraire elle a fréquenté nombre de ses contemporains du monde littéraire parisien, tels que Victor Hugo.
En 1840 elle met au monde sa fille Henriette, mais ni son mari ni son amant Victor Cousin n’acceptent d’en reconnaître la paternité. Elle devient ensuite la maîtresse de Gustave Flaubert, d'Alfred de Vigny, d’Alfred de Musset et d’Abel Villemain.
Après la mort de son mari à Paris, le 21 avril 1851, Louise Colet et sa fille subsistent grâce à ses écrits et à l'aide de Victor Cousin. Elle est inhumée à Verneuil-sur-Avre (Eure)2."
Source
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Textes pour les intéressés des dénommés auteurs; tels que Flaubert et de Musset
Trois "récits" en vers publiés chez Perrotin entre 1853 et 1856. Par Yvan Leclerc.
Citation :
"Militante féministe, Louise Colet met le vers au service de la cause qu’elle défend en composant le Poème de la Femme, qui devait compter à l'origine six longs récits embrassant toutes les conditions sociales : la Paysanne, la Princesse, la Prostituée, la Femme supérieure, la Servante et la Bourgeoise. Seuls trois poèmes ont été écrits ; ils se terminent identiquement par la mort de l'héroïne, victime de l'oppression et de la cruauté."
Source
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"En chacun de nous existe un autre être que nous ne connaissons pas. Il nous parle à travers le rêve et nous fait savoir qu'il nous voit bien différent de ce que nous croyons être." [Carl Gustav Jung].
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Sujet: Conrad Ferdinand Meyer Lun 12 Déc 2011 - 16:24
Conrad Ferdinand Meyer
Conrad Ferdinand Meyer naquit en 1825 à Zurich; Il fut un poète, nouvelliste et romancier suisse de langue allemande.
IL termina son voyage terrestre à Zurich en 1898.
Une plaque posée en façade de l'immeuble indique que l'écrivain Conrad Ferdinand Meyer a vécu à l'institut Carl gustav Jung à Küsnacht de 1868 à 1872. L'Institut fondé par C.G. Jung se situe à Küsnacht, en bordure du lac de Zurich, à moins de 10 km de cette ville.
Deux de ses Œuvres importantes en 1879.
Citation :
"— Le Saint (Der Heilige, 1879), traduit de l’allemand par Charly Clerc. [Lausanne], Éditions L’Âge d’homme, « Poche suisse », n° 34, 1984, 168 pages.
Un classique de la littérature suisse allemande du XIXe siècle: une version surprenante de l’histoire de Thomas Beckett. [Présentation de l’éditeur]."
Citation :
Biographie
"Destiné comme son père à une carrière administrative, sa curiosité intellectuelle et son imagination créatrice lui ôtent toute envie d'apprendre un « métier ». Son père meurt en 1840. Conrad Ferdinand Meyer est soigné tôt pour des troubles neurologiques, que n'arrange guère le suicide de sa mère dépressive en 1856.
Malgré la disparition de ses parents, Meyer est réconforté par sa sœur Betsy, avec qui il a une vraie complicité. Par ailleurs, il se passionne pour l'histoire, la littérature et traduit diverses œuvres historiques et littéraires françaises, les quelques années qu'il passe à Lausanne dans sa jeunesse lui ayant permis de maîtriser le français. Des voyages à Paris et à Rome lui font découvrir l'art. La Renaissance, la Réforme et le XVIIe siècle exercent sur lui une véritable fascination, dont se ressentent beaucoup de ses récits.
Conrad Ferdinand Meyer est le plus important poète germanophone de son époque, qui influencera Rainer Maria Rilke et Stefan George.
Il publie en 1864 Vingt ballades d'un Suisse (Zwanzig Balladen von einem Schweitzer), d'autres Ballades en 1867, Les Derniers Jours de Hutten (Huttens letzte Tage) en 1871 et un recueil de Poésies (Gedichte) en 1882.
Nouvelliste, Meyer est imprégné d'histoire, qui lui donne une source vive d'inspiration : l'Angleterre médiévale des Plantagenets, dans Le Saint (1879), l'Italie de la Renaissance dans La tentation de Pescara (1887) et Angela Borgia (1891), la Réforme protestante dans L'amulette (1873) ou la Suède classique dans Le page de Gustave-Adolphe (1882). Son roman en vers Engelberg (1872) n'atteint pas son œuvre maîtresse en prose, le roman Georges Jenatsch (1876), qui relate un épisode de la guerre de Trente Ans." Source Wikipédia.
Citation :
"En allemand, son œuvre intégrale est largement accessible.
En français, seules certaines de ses nouvelles ont paru aux Éditions Plaisir de Lire (Jurg Jenatsch) et à L'Âge d'Homme, dans la collection « Poche suisse » ; des poèmes (en verson bilingue) sont lisibles dans Anthologie de la poésie allemande parue dans à la Bibliothèque de la Pléiade."
Source Idem Wiki.
Voir aussi
Les publications de Conrad Ferdinand Meyer
Nota Bene : Son œuvre maîtresse fut le roman Jürg Jenatsch
"La différence entre littérature et journalisme, c'est que le journalisme est illisible et que la littérature n'est pas lue." [Oscar Wilde] Extrait de Le Critique en tant qu'Artiste
Dernière édition par Marquise des Loups le Sam 17 Déc 2011 - 3:24, édité 6 fois
Le Grenier de Yann M. Othelliste en chef
Nombre de messages : 1804 Age : 51 Localisation : Toujours sur ma montagne ... Date d'inscription : 23/11/2005
Sujet: Re: Une prière de Fra Angelico Lun 12 Déc 2011 - 16:38
Peut-être un lointain ancêtre distingué de notre révérée Miss Meyer ?
Marquise des Loups Othelliste
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Sujet: Re: Une prière de Fra Angelico Lun 12 Déc 2011 - 17:01
Sir Archibald Waters a écrit:
Peut-être un lointain ancêtre distingué de notre révérée Miss Meyer ?
Oui-da, fort possible; je cherche un poème à lui (Conrad Ferdinand Meyer) mais en vain... J'ai oublié le titre dans mes archives neuronales
"La patience dit-on n'est-elle pas la mère de toutes les vertus?" ....
Dernière édition par Marquise des Loups le Mer 28 Mar 2012 - 23:04, édité 3 fois
Marquise des Loups Othelliste
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Sujet: En Redondance - In Redundancy Sam 17 Déc 2011 - 3:22
En Redondance - In Redundancy
Et en plus....
Madame la Marquise
Vous connaissez que j'ai pour mie Une Andalouse à l'oeil lutin, Et sur mon coeur, tout endormie, Je la berce jusqu'au matin.
Voyez-la, quand son bras m'enlace, Comme le col d'un cygne blanc, S'enivrer, oublieuse et lasse, De quelque rêve nonchalant.
Gais chérubins ! veillez sur elle. Planez, oiseaux, sur notre nid, Dorez du reflet de votre aile Son doux sommeil, que Dieu bénit !
Car toute chose nous convie D'oublier tout, fors notre amour: Nos plaisirs, d'oublier la vie, Nos rideaux, d'oublier le jour.
Pose ton souffle sur ma bouche, Que ton âme y vienne passer ! Oh ! restons ainsi dans ma couche, Jusqu'à l'heure de trépasser !
Restons ! L'étoile vagabonde Dont les sages ont peur de loin 1 Peut-être, en emportant le monde, Nous laissera dans notre coin.
Oh ! viens ! dans mon âme froissée Qui saigne encor d'un mal bien grand, Viens verser ta blanche pensée, Comme un ruisseau dans un torrent !
Car sais-tu, seulement pour vivre, Combien il m'a fallu pleurer? De cet ennui qui désenivre Combien en mon coeur dévorer ?
Donne-moi, ma belle maîtresse, Un beau baiser, car je te veux Raconter ma longue détresse, En caressant tes beaux cheveux 2 .
Or voyez qui je suis, ma mie, Car je vous pardonne pourtant De vous être hier endormie Sur mes lèvres, en m'écoutant.
Pour ce, madame la marquise, Dès qu'à la ville il fera noir, De par le roi sera requise De venir en notre manoir;
Et sur mon coeur, tout endormie, La bercerai jusqu'au matin, Car on connaît que j'ai pour mie Une Andalouse à l'oeil lutin.
Alfred de Musset 1829
(1) Dans ce temps là, on parlait beaucoup de la comête de 1829 (N.d.A.).
(2) On lit dans l'édition de 1830: "Avec ma main dans tes cheveux."
Dernière édition par Marquise des Loups le Lun 19 Déc 2011 - 23:46, édité 1 fois
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Sujet: LES FLEURS DU MAL Dim 18 Déc 2011 - 21:01
Charles BAUDELAIRE (1821-1867) in LES FLEURS DU MAL
Je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre
Je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre : La gueuse, de mon âme, emprunte tout son lustre ; Invisible aux regards de l'univers moqueur, Sa beauté ne fleurit que dans mon triste cœur.
Pour avoir des souliers elle a vendu son âme. Mais le bon Dieu rirait si, près de cette infâme, Je tranchais du Tartufe et singeais la hauteur, Moi qui vends ma pensée et qui veux être auteur.
Vice beaucoup plus grave, elle porte perruque. Tous ses beaux cheveux noirs ont fui sa blanche nuque ; Ce qui n'empêche pas les baisers amoureux. De pleuvoir sur son front plus pelé qu'un lépreux.
Elle louche, et l'effet de ce regard étrange Qu'ombragent des cils noirs plus longs que ceux d'un ange, Est tel que tous les yeux pour qui l'on s'est damné Ne valent pas pour moi son oeil juif et cerné.
Elle n'a que vingt ans ; - la gorge déjà basse Pend de chaque côté comme une calebasse, Et pourtant, me traînant chaque nuit sur son corps, Ainsi qu'un nouveau-né, je la tette et la mords,
Et bien qu'elle n'ait pas souvent même une obole Pour se frotter la chair et pour s'oindre l'épaule, Je la lèche en silence avec plus de ferveur Que Madeleine en feu les deux pieds du Sauveur.
La pauvre créature, au plaisir essoufflée, A de rauques hoquets la poitrine gonflée, Et je devine au bruit de son souffle brutal Qu'elle a souvent mordu le pain de l'hôpital.
Ses grands yeux inquiets, durant la nuit cruelle, Croient voir deux autres yeux au fond de la ruelle, Car, ayant trop ouvert son cœur à tous venants, Elle a peur sans lumière et croit aux revenants.
Ce qui fait que de suif elle use plus de livres Qu'un vieux savant couché jour et nuit sur ses livres, Et redoute bien moins la faim et ses tourments Que l'apparition de ses défunts amants.
"Si vous la rencontrez, bizarrement parée, Se faufilant, au coin d'une rue égarée, Et la tête et l'oeil bas comme un pigeon blessé, Traînant dans les ruisseaux un talon déchaussé,
Messieurs, ne crachez pas de jurons ni d'ordure Au visage fardé de cette pauvre impure Que déesse Famine a par un soir d'hiver, Contrainte à relever ses jupons en plein air.
Cette bohème-là, c'est mon tout, ma richesse, Ma perle, mon bijou, ma reine, ma duchesse," Celle qui m'a bercé sur son giron vainqueur, Et qui dans ses deux mains a réchauffé mon cœur.
Charles BAUDELAIRE (1821-1867)
J'accole cette vidéo du magistral Serge...
Serge Reggiani - Sarah (Live)
"Carpe diem." : "Mets à profit le jour présent."
Mots d'Horace (Odes, I, 11, qui aime à rappeler que la vie est courte, et qu'il est préférable de se hâter lentement d'en jouir).
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Sujet: COMME UN ARC-EN-CIEL Sam 14 Jan 2012 - 22:28
COMME UN ARC-EN-CIEL
Le bonheur ne se trouve pas avec beaucoup d'effort et de volonté, mais réside là, tout près, dans la détente et l'abandon. Ne t'inquiète pas, il n'y a rien à faire.
Tout ce qui s'élève dans l'esprit n'a aucune importance parce qu'il n'a aucune réalité. Ne t'y attache pas. Ne te juge pas.
Laisse le jeu se faire tout seul, s'élever et retomber, sans rien changer,et tout s'évanouit et commence à nouveau sans cesse. Seule cette recherche du bonheur nous empêche de le voir.
C'est comme un arc-en-ciel qu'on poursuit sans jamais le rattraper. Parce qu'il n'existe pas, qu'il a toujours été là et t'accompagne à chaque instant.
Ne crois pas à la réalité des expériences bonnes ou mauvaises, elles sont comme des arcs-en-ciel. A vouloir saisir l'insaisissable, on s'épuise en vain.
Dès lors qu'on relâche cette saisie, l'espace est là, ouvert, hospitalier et confortable. Alors, profites-en.
Tout est à toi, déjà. Ne cherche plus. Ne va pas chercher dans la jungle inextricable l'éléphant qui est tranquillement à la maison.
Rien à faire. Rien à forcer. Rien à vouloir. Et tout s'accomplit spontanément...
- Lama: Guendune Rinpotché - (Merci à Mosquito...).
“Le passé n’est pas mort ; il n’est même pas passé.” William Faulkner.
Dernière édition par Marquise des Loups le Sam 14 Jan 2012 - 23:43, édité 1 fois
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Sujet: Sarah Bernhardt Sam 14 Jan 2012 - 22:34
VOLET 1
"Quand-Même!" (La Divine).
Sarah dans le rôle de Floria Tosca.
The Divine Sarah Bernhardt
Sarah Bernhardt: 22 Octobre 1844 - 26 Mars 1923
Clique dessus ce troisième de quand même ce n'est pas permis dans ce magique de topique non-utopique titré Une prière de Fra Angelico :
"Quand même" La belle infatigable Sarah Bernhardt
Sarah Bernhardt
"C’est en se dépensant soi-même que l’on devient riche..."
Citation :
"Élevée dans un couvent, Henriette Rosinne Bernard, dite Sarah Bernhardt, entre au Conservatoire de Paris à l'âge de 16 ans. Après un passage à la Comédie-Française où elle joua le rôle d'Iphigénie, c'est à l'Odéon en 1869 que la comédienne devient célèbre grâce à un rôle dans 'Le Passant'. C'est dès lors la gloire mondiale pour la comédienne à la 'voix d'or'. Que cela soit dans des rôles tragiques comme Phèdre, ou romantiques dans 'Lorenzaccio', son tempérament dramatique et sa diction emphatique séduisent un public toujours plus grand. Elle dirige le Théâtre de la Renaissance à partir de 1893 et monte ensuite sa propre troupe au théâtre des Nations. Sarah Bernhardt fut un monstre sacré du théâtre et ce jusqu'à la fin de sa vie : amputée de la jambe droite après un accident elle continua de jouer, assise."
Source: Evene
L'art du soufflet
Citation :
"Rentrée à la Comédie-Française à 18 ans (?) , elle en sort très rapidement après avoir giflé une sociétaire bien plus âgée qu'elle... La comédienne à la "voix d'or" a toujours gardé un caractère impétueux."
Source : Anecdote incognito.
« La vie engendre la vie. L’énergie produit l’énergie. C’est en se dépensant soi-même que l’on devient riche. » de Sarah Bernhardt
« Le trac, cela vient avec le talent. » de Sarah Bernhardt
Sarah Bernhardt vers 1880, cliché de Napoléon Sarony
The Sarah Bernhardt Pages
Best Music Literacy Paint in Works of Art & Theater regards to Sarah Bernhardt; artiste belle et infatigable dans l'âme; destinée à aimer sans compter ou juger, elle a su tant et tant nous donner. (La Louve).
Dernière édition par Marquise des Loups le Mar 17 Jan 2012 - 22:13, édité 3 fois
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Sujet: The Divine Sarah Bernhardt Lun 16 Jan 2012 - 16:42
VOLET II
The Divine Sarah Bernhardt
« Le trac, cela vient avec le talent. » de Sarah Bernhardt
Sarah Bernhardt par Sacha Guitry
Belle-Ile-en-Mer - Sauzon - Pointe des Poulains (Au fortin des Poulains).
(B-L. Photo 2007).
The Divine Sarah Bernhardt
Des tempêtes émotionnelles aux passions les plus incongrues, la Divine Sarah stigmatisée depuis sa naissance par les brulants feux de la rampe, elle fut enveloppée tout au long de son parcours terrestre de ce feu sacré indélébile bien au dedans inné dans son âme et ce autant en théâtre, en peinture, qu'en anodine ou importante publicité; en avez-vous souvenance encore? telle que: ( " à Lefèvre Utile : Je ne trouve rien de meilleur qu'un petit l'U ... Oh! si, deux petits l'U."), indéniable aussi en sculpture ou en écrits, l'artiste savait étonner et déstabiliser les plus septiques narcissiques du milieu artistique ou politique; elle, la plus que bien nommée par le génie-auteur de l'Aiglon Edmond Rostand, et ce à juste titre: "Reine de l'attitude" ou "Princesse des gestes" ... La Divine mit au monde un enfant et fils unique, Maurice Bernhardt; il devint l'ami précieux avec sa célèbre mère du musicien Reynaldo Hahn.
Celle qui attirait les foules de la cité a su se ressourcer aux cours de ces étés de 1894 à 1923 aux confins de la plus grande île de Bretagne à La Pointe des Poulains; paradis pour les mouettes de la mer aux reflets bleutés de couleur vert d'eau vers les rochers ambrés aux tapis clairsemés de mousse verte tendre et aux tons disparates de roux jusqu'aux détours des multiples sentiers côtiers parsemés de fleurs uniques où l'air salin embaume et restaure le plus délicat des poumons... Joyau terrestre hors sphères! Là où les étés s'avèrent paradisiaques; Sarah y fit l'acquisition de ce fort (fortin des Poulains); lieu quasi désertique, en retrait du bain de foule d'où parfois surgit la houle plus émancipée que la mer, solitude bienfaisante et paradoxe viscéral de la vie intrinsèque artistique d'une artiste authentique dans tout le sens de sa grandiose de portée.
Albert Larrieux lui a consacré paroles et musique "Les Gâs de Belle-ïle" et Alexdander Spender le "Quand Même" (March).
de Marquise des Loups
Le fort de Sarah Bernhardt à La Pointe des Poulains à Belle-île-en- Mer. (La Louve's Album - B-L. Photos - 2007).
De gauche à droite la Villa blanche érigée en 1897 sous les directives de Sarah; " Cinq Parties du monde" ; cinq chambres au nom d'un continent pour recevoir amis, artistes, peintres, etc. aujourd’hui devenu le petit musée de Sarah... On y découvre ses gants, ses chapeaux, quelques robes, des ombrelles, des bottines, des châles, des bouquins etc. ... très émouvant pour ceux qui aiment cette femme artiste.
A droite le Fort de Sarah déjà vu ci-dessus... Ledit fort est de nos jours encore muni d'un pont levis pour y accéder.
Il est très impressionnant de visiter cet endroit face à la mer où l'âme de Sarah semble flotter... enfin, ce fut mon impression et j'en conserve un souvenir sans pareil...
Arméries maritimes; voilà une des nombreuses espèces de fleurs qui tapissent les sentiers côtiers de Belle-Ile-en-Mer; ô beautés naturelles majestueuses!
Biographie, théâtre, écrits et plus encore : Sarah Bernhardt
Anna Netrebko: "L'Enamourée" by Reynaldo Hahn
Sarah Bernhardt dans le rôle de Doña Maria dans Hernani. Tableau de Georges Clairin (1897).
"Couvrez ce sein que je ne saurais voir: Par de pareils objets les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées." Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673) Tartuffe, ou l'Imposteur (1664), III, 2, Tartuffe
Dernière édition par Marquise des Loups le Lun 26 Mar 2012 - 22:10, édité 2 fois
Marquise des Loups Othelliste
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Sujet: Ruy Blas de Victor Hugo Jeu 23 Fév 2012 - 21:40
Ruy Blas
Une pièce de Victor Hugo créée en 1838
Citation :
"Ruy Blas est une pièce de théâtre en cinq actes de Victor Hugo créé par la compagnie du théâtre de la Renaissance dans la salle Ventadour, le 8 novembre 1838."
Source de Wikipédia.
Le Monde dans les Livres
Le 26 janvier 1872 Sarah Bernhardt devint " l'Elue du Public" (tel que noté dans : Ma double Vie : Mémoires de Sarah Bernhardt , Chapitre XXI, page 303). Elle prit vraiment son envol théâtral dans Ruy Blas la pièce de Victor Hugo où elle y joua le rôle de la reine d'Espagne . Elle était l'enfant chérie de Victor Hugo qui a su lire dans son âme le grand feu sacré qui habitait "la Divine" ...
Sarah en reine d'Espagne
Voici un extrait de Ruy Blas ... Pièce en vers de Victor Hugo
"Ah ! C’est un coup de foudre ! ... — oui, mon règne est passé, Gudiel ! — renvoyé, disgracié, chassé ! —
Ah ! Tout perdre en un jour ! — L’aventure est secrète Encor, n’en parle pas. — Oui, pour une amourette,
— chose, à mon âge, sotte et folle, j’en conviens ! — Avec une suivante, une fille de rien !
Séduite, beau malheur ! parce que la donzelle Est à la reine, et vient de Neubourg avec elle,
Que cette créature a pleuré contre moi, Et traîné son enfant dans les chambres du roi ;
Ordre de l’épouser. Je refuse. On m’exile ! On m’exile ! Et vingt ans d’un labeur difficile,
Vingt ans d’ambition, de travaux nuit et jour ; Le président haï des alcades de cour,
Dont nul ne prononçait le nom sans épouvante ; Le chef de la maison de Bazan, qui s’en vante ;
Mon crédit, mon pouvoir; tout ce que je rêvais, Tout ce que je faisais et tout ce que j’avais,
Charge, emplois, honneurs, tout en un instant s’écroule Au milieu des éclats de rire de la foule ! »"
de Victor Hugo
Sarah en reine d'Espagne
******************************************
" [...] Le théâtre est chose spirituelle ; un culte de l'esprit ou des esprits."
Louis Jouvet, Le Comédien désincarné (Flammarion) in Interrogations sur le Théâtre
"[…] The theater is a spiritual thing; a worship of the mind or of the spirits."
Marquise des Loups Othelliste
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Sujet: Re: Une prière de Fra Angelico Mer 18 Avr 2012 - 22:33
Marquise des Loups a écrit:
COMME UN ARC-EN-CIEL
Le bonheur ne se trouve pas avec beaucoup d'effort et de volonté, mais réside là, tout près, dans la détente et l'abandon. Ne t'inquiète pas, il n'y a rien à faire.
Tout ce qui s'élève dans l'esprit n'a aucune importance parce qu'il n'a aucune réalité. Ne t'y attache pas. Ne te juge pas.
Laisse le jeu se faire tout seul, s'élever et retomber, sans rien changer,et tout s'évanouit et commence à nouveau sans cesse. Seule cette recherche du bonheur nous empêche de le voir.
C'est comme un arc-en-ciel qu'on poursuit sans jamais le rattraper. Parce qu'il n'existe pas, qu'il a toujours été là et t'accompagne à chaque instant.
Ne crois pas à la réalité des expériences bonnes ou mauvaises, elles sont comme des arcs-en-ciel. A vouloir saisir l'insaisissable, on s'épuise en vain.
Dès lors qu'on relâche cette saisie, l'espace est là, ouvert, hospitalier et confortable. Alors, profites-en.
Tout est à toi, déjà. Ne cherche plus. Ne va pas chercher dans la jungle inextricable l'éléphant qui est tranquillement à la maison.
Rien à faire. Rien à forcer. Rien à vouloir. Et tout s'accomplit spontanément...
- Lama: Guendune Rinpotché - (Merci à Mosquito...).
“Le passé n’est pas mort ; il n’est même pas passé.” William Faulkner.